Dans une campagne électorale, surtout celle que nous vivons sous le ciel de l’alternance, s’invitent des dossiers évoqués souvent sous un angle électoralistes, mais qui, au fond, peuvent se révéler d’une opportunité pour les sortir de l’ombre ou de l’omerta.
Il en est ainsi du dossier de la privatisation de la Sonacos, qui s’est invité dans les discours des candidats à la présidentielle 2007, à l’image de ceux de Ousmane Tanor Dieng du Parti socialiste, Moustapha Niasse de l’Afp, Mamadou Lamine Diallo, indépendant, Robert Sagna de Takku Deffarat Sénégal et Macky Sall, directeur de campagne de Wade. Les quatre premiers ont promis un audit et une remise en cause de cette privatisation, tandis que le dernier cité s’est lancé hier à Saint-Louis dans une polémique pour répondre au candidat socialiste. Elément d’un dossier qui pue le scandale.
Des candidats à la présidentielle, adversaires du locataire sortant du Palais Léopold Sédar Senghor, au cours de leur campagne, sous des registres et à des lieux fort ressemblants, ont eu à centrer géométriquement leurs critiques sur les conditions plus ou moins opaques, en tout cas peu orthodoxes dans lesquelles le régime de Me Wade, à effectuer la privatisation de la Sonacos. Si les uns et les autres jugent nécessaire, en cas de victoire, d’auditer la privatisation de cette société qui utilise intensément l’arachide, une source de revenus pour 4 millions de paysans, ce n’est certainement pas seulement sous une posture électoraliste. On est d’autant plus fonder à ne pas se limiter à cet argument aussi lisse que des œufs de pâques, que des acteurs du processus de la privatisation de la Sonacos ont saisi l’occasion des sorties des hommes politiques sur la question, pour apporter leur part de lumière sur ce dossier qui se consume ou se consomme maintenant sur une chaude poêle électorale.
A titre illustratif de la vive polémique qui s’est emparée des candidats à la présidentielle, notamment la sortie de Ousmane Tanor Dieng du Parti socialiste qui a accusé, lors de son passage à Diourbel, le régime libéral d’avoir bradé la Sonacos à 5 milliards, alors que c’est 50 milliards de francs Cfa qui avaient été refusés pour l’ouverture du capital. Mieux, précise l’ancien ministre d’Etat, ministres des Affaires et services présidentiels du Président Abdou Diouf, rien que sur le plan social, cette privatisation a coûté plus de 5 milliards de francs Cfa. Fort de cela, il a promis, en cas de victoire, de procéder à un audit massif de la Sonacos (lire la livraison du Quoidien d’hier). Le directeur de campagne du candidat Abdoulaye Wade, le Premier ministre Macky Sall, est monté sur la tribune, hier, à Saint-Louis, pour démentir le chiffre avancé par Ousmane Tanor Dieng, le challenger de son mentor. Pour Macky Sall, l’Etat n’a pas cédé la Sonacos à 5 milliards, mais à 8 milliards environ. Il conteste également la version de Tanor Dieng, selon laquelle, du temps du Parti socialiste, il a été refusé une offre de 50 milliards. (lire ailleurs).
L’enjeu électoral autour de cette privatisation est au moins certain, car celle-ci concerne au fond la question de l’arachide, seule source de revenus pour 70% que sont les paysans sénégalais. Autant dire donc, un immense réservoir électoral. Selon une source au cœur de la privatisation de la Sonacos, on a «décidé de camoufler la Sonacos et son immense patrimoine sous la nouvelle dénomination de Suneor, qui ne change rien au fond des problèmes».
Et ce ne sont pas d’ailleurs les interrogations qui manquent autour de la nébuleuse privatisation du bradage, diront certains- de la Sonacos. L’une de ces interrogations porte sur ce qui est «advenu des 70 milliards de biens immobiliers et fonciers» de la société, de même que «les centaines de milliards d’argent public décaissés en faveur de la Sonacos». Certaines langues… «bien huilées» par rapport à ce dossier, s’interrogent même sur la nature et l’origine des liens entre le repreneur Advens et de hauts dignitaires de l’Etat. Sans compter que l’histoire n’a toujours pas apporté suffisamment de lumière sur la révélation qui avait été faite par le Premier ministre de l’alternance, Moustapha Niasse, à propos des 7 milliards de la Sonacos. Il est vrai que sous la menace du Président Wade de lever son immunité parlementaire pour éclairer l’affaire devant la justice, Moustapha Niasse avait battu en retraite.
BRADAGE OR NOT BRADAGE ?
Que l’on concède à Ousmane Tanor Dieng que la Sonacos a été cédéé à 5 milliards ou à Macky Sall qu’elle a été privatisée pour un montant de 8 milliards, on ne sort pas pour autant de l’auberge du bradage. En effet, que ce soit pour 5 ou 8 milliards, il reste que le patrimoine immobilier et foncier de la Sonacos est estimé à près de 70 milliards. Des éclairages pertinents doivent être donnés sur le sort de ces milliards, propriétés, jusqu’à preuve du contraire, de la Sonacos. Sans compter que les autorités feraient mieux d’éclairer la lanterne des citoyens sur les conditions de privatisation de l’usine, notamment sur «le règlement d’appel d’offres» (Rao) et «les règles du cahier des charges». Certains parlent même d’un «repreneur» ayant pris l’engagement «de renflouer la Sonacos», avant de se révéler «sans-le-sou», mais qui a perçu «plus de 49 milliards de F cfa».
Qui plus est, dans une lettre dont nous avons copie, le Président Wade, par les soins du secrétaire général de la Présidence de la République, avait écrit, le 13 juillet 2006, à un opérateur économique, pour lui signifier qu’«il est demandé au gouvernement d’examiner votre requête dans les meilleurs délais». Une manière d’ «assurer de la saisine du gouvernement sur le dossier de la privatisation de la Sonacos». Pourquoi le Président Wade, via son secrétaire général à la Présidence de la République, éprouve-t-il le besoin de saisir le gouvernement de cette requête, si toutes les conditions de transparence ont été remplies dans le cadre de la privatisation de la Sonacos ? Un parfum d’aveu ?
En tout état de cause, elles ne sont pas forcément inutiles et sans intérêt, certaines polémiques entre adversaires politiques en campagne électorale, surtout si elles portent sur des questions de cette nature, liées à la gestion des biens publics, ou tout simplement à la bonne gouvernance. Ce ne sera pas une surprise, demain, que ces polémiques délient des langues pour apporter des éclairages par rapport à ce dossier.
Soro DIOP
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