sábado, 10 de fevereiro de 2007

Idrissa Seck : «JE PROPOSE»

Idrissa Seck : «JE PROPOSE»
Sénégalaises, Sénégalais,
Mes Chers compatriotes,
Recevez mes meilleurs vœux de bonne et heureuse année 2007.
Il est de tradition, en fin d'année, de faire le point sur l'état de la Nation et de tracer de nouvelles perspectives.
Je trouve là l'occasion, à la veille des prochaines élections pour le renouvellement de l'équipe dirigeante de notre pays, de m'adresser à vous pour vous annoncer mon programme, après avoir apprécié la réalité que nous vivons.
En 2004, j'ai rompu avec Abdoulaye Wade.
Ma différence avec lui est à situer à trois niveaux :
• sur le plan stratégique, nous n'avons pas les mêmes priorités. Face à ses grands chantiers « éléphants blancs », les miens portent sur la fin du drame des 136.000 bébés sénégalais de moins de cinq ans qui meurent chaque année de malnutrition, de malaria et de déficit de vaccinations, des 125.000 enfants scolarisables qui ne verront jamais de salles de classe, même en sureffectif, faute d'infrastructures scolaires suffisantes, et du cruel drame de nos jeunes compatriotes se suicidant dans l'Océan Atlantique à l'assaut d'un hypothétique paradis européen, faute d'emplois décents chez eux. Nos priorités incluent de relever substantiellement le taux anormalement bas de 4,9% de la population scolarisée qui sort du supérieur avec un diplôme. Nos foyers privés de gaz, d'électricité et d'eau ainsi que les stations d'essence prises d'assaut par des automobilistes anxieux de leur approvisionnement en carburant exigent plus d'attention que la nouvelle capitale ou le train à grand écartement Dakar-Mombassa.
• sur le plan politique, nous ne partageons ni la même vision du changement dont il a altéré l'esprit, ni la même perception de l'Etat qu'il a achevé de décrédibiliser;
• sur le plan éthique, je n'approuve pas sa manière brutale et anti-démocratique de trancher les différends au moyen de l'agression, de l'embastillement et de l'exclusion. J'approuve encore moins sa gestion familiale des ressources nationales.
Ceci me libère de tout engagement moral envers lui. Mon seul engagement indéfectible demeure celui que j'ai envers le Très Miséricordieux et envers mon pays.
Dans le cadre du dialogue que j'entends mener avec vous, de façon fragmentée et graduelle, je commence par vous soumettre, cette semaine, mes propositions sur les institutions. J'attends vos réactions, sur mon site de campagne idy2007.com. Elles me permettront d'affiner mon projet de société qui, bien que ficelé, reste ouvert jusqu'au dernier moment, à vos propositions d'amélioration.
Je commence par les Institutions parce qu'elles sont le socle de la communauté nationale. Elles constituent le fondement de l'édifice étatique. Ce sont les Institutions qui structurent le pouvoir, gèrent les intérêts supérieurs de la nation, fixent les règles imposées aux citoyens, garantissent la satisfaction de l'intérêt général et reflètent l'image de notre pays à l'intérieur comme à l'extérieur du territoire national.
La crise que traverse aujourd'hui le Sénégal est essentiellement une crise des institutions. L'incarnation du pouvoir dans notre pays n'a jamais été autant banalisée, avec un président de la République démythifié, un parlement réduit à voter des lois décriées (loi Ezzan, suppression du quart bloquant, prorogation du mandat des députés…), une justice décrédibilisée, transformée en un instrument de règlement de comptes politiques. Signe de la décadence, la perte de prestige de la fonction ministérielle. Certains ministres, spécialisés dans l'insulte publique, ont achevé de faire basculer le pouvoir dans le vulgaire et le grotesque.
La première tâche du prochain président du Sénégal consiste à relever l'Etat aujourd'hui totalement à genoux. Pour ce faire, il faut d'abord commencer par ressusciter l'idée même d'Etat. L'Etat n'est pas la propriété d'un individu, de sa famille, ou de son parti. L'Etat est doté d'une personnalité propre, incarnation de la nation, et garant de l'intérêt général. Il a ses biens, ses droits, ses obligations qui ne sauraient être confondus avec ceux de ceux qui exercent temporairement le pouvoir. Son personnel, encadré par l'administration territoriale, doit le servir sous la seule autorité de la Loi. A cet égard, il me plait de rappeler aux gouverneurs, préfets et sous- préfets, qui se sont comportés lors de la constitution des listes des partis politiques, en représentants non pas du Chef de l'Etat mais du Secrétaire général du PDS, qu'ils ont souillé la dignité républicaine attachée à leur charge. Leur implication personnelle dans des opérations d'intimidation d'élus locaux ayant choisi d'autres coalitions que celle au pouvoir n'honore pas la République. Et je les tiens personnellement responsables de cette grave déviance.
La première réforme que j'entends mener, si vous m'accordez votre confiance, c'est de dégraisser l'institution du président de la République. L'ère du Léviathan est révolue, comme est mort Thomas Hobbes. Le Sénégal a besoin d'un Président qui rassure, suscite et impulse, et non d'un démiurge qui vampirise tous les pouvoirs et possède un droit de vie et de mort sur les citoyens. Afin que l'homme-président, tiré de la terre, cesse d'inspirer l'effroi et garde en mémoire cet avertissement des Psaumes : « Ils ne vivront pas toujours. Ils n'éviteront pas la vue de la fosse. Car ils la verront : les sages meurent. L'insensé et le stupide périssent également. Et ils laissent à d'autres leurs biens. Il aura beau s'estimer heureux pendant sa vie. On aura beau s'estimer heureux pendant sa vie. On aura beau te louer des jouissances que tu te donnes. Tu iras néanmoins au séjour de tes pères. Qui jamais ne reverront la lumière »
Ce qui se passe aujourd'hui est à la fois une aberration démocratique et une hérésie politique.
« Tout homme qui a du pouvoir est tenté d'en abuser », disait le Baron de Montesquieu. Pour éviter les abus, il faut nécessairement un dispositif institutionnel dans lequel le pouvoir limite le pouvoir, le pouvoir arrête le pouvoir. Il faut donc réhabiliter la séparation des pouvoirs.
La séparation des pouvoirs doit commencer à l'intérieur de l'Exécutif. Le Président de la République exerce ses tâches naturelles, les missions de souveraineté : définition de la politique de la nation, défense du territoire national, conduite de la diplomatie, garantie de la sécurité… Il revient à un Premier ministre, nommé par le Président de la République, de mettre en œuvre cette politique, en toute autonomie, sous le contrôle du Parlement et de veiller en particulier à l'égalité des chances des citoyens. Ce Parlement va cesser d'être une chambre d'enregistrement pour reprendre sa place de gardien de la volonté du peuple sénégalais.
Le Premier ministre va répondre à toutes les sollicitations des députés qui peuvent le démettre sur la base de la procédure de la question de confiance.
Il sera mis fin à l'inflation de ministres qui ne devront pas dépasser 20. Avec des responsabilités organisées autour de quelques grands pôles :
1. fournir à chaque citoyen les intrants nécessaires à son propre développement : un environnement sain, une alimentation équilibrée et suffisante, une bonne santé, une saine pratique du sport, un grand savoir, une forte culture. Ce sera le rôle d'un grand ministère de l'Alimentation incluant l'agriculture, l'élevage, la pêche et l'environnement, d'un grand ministère de la Santé incluant le sport, d'un grand ministère du Savoir incluant l'éducation, la formation professionnelle et la culture.
2. Donner à notre économie, l'encadrement cohérent qu'exigent la modernité et la compétition mondiale. Dans ce cadre, le ministère de l'Economie et des Finances aura en charge la responsabilité de la politique industrielle, en vue d'un meilleur arbitrage entre les objectifs de recettes et ceux d'investissement. Il aura également en charge la formulation et la conduite de la politique commerciale qui sera une priorité au regard du fait que le potentiel de croissance du Sénégal se situe surtout au niveau de la demande extérieure.
3. La politique de sécurité nationale exige que soit renforcée la synergie entre toutes les Forces pouvant aider à la sécurité intérieure (Police, Gendarmerie, Eaux et Forêts) et extérieure (Armée et Douanes).
4. La prise en charge adéquate des problèmes de nos compatriotes vivant à l'extérieur et du renforcement de la place du Sénégal dans l'UEMOA, la CEDEAO, l'Union Africaine, et les Nations Unies nécessite que les moyens du ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l'extérieur soient renforcés et plus judicieusement distribués, en lieu et place des dépenses de prestige sans rapport avec nos besoins et nos moyens.
5. Une politique de tourisme hardie visant à augmenter la dépense moyenne du touriste, les emplois générés par le secteur ainsi que le rayonnement de notre culture dans le monde m'amène à élever le secteur au rang de ministère d'Etat. Afin que les Sénégalais connaissent mieux leur pays, une politique de promotion du tourisme intérieur sera mise en œuvre notamment à travers des tarifs préférentiels pour les nationaux sur tous les sites.
La représentation nationale va être davantage impliquée dans l'initiative des lois.
Le Judiciaire, gardien des libertés, va cesser d'être une Autorité pour devenir un véritable Pouvoir. Pour ce faire, il est essentiel de couper le cordon ombilical qui le lie à l'Exécutif. Comme dans beaucoup de grandes démocraties, le lien de subordination entre le ministère de la Justice et le Parquet va être rompu. Il revient au seul procureur, en son âme et conscience, d'apprécier la suite à donner aux poursuites. Notre pays a subi suffisamment de dégâts par la faute du système actuel, dans lequel un président de la République ou son ministre de la Justice peuvent, pour accomplir leur dessein propre, exiger du Parquet la poursuite d'un opposant politique, d'un journaliste, d'un concurrent commercial…
Pour renforcer l'indépendance de la justice, bien mise à mal ces dernières années, je propose d'améliorer ses conditions de travail. Mais également, d'augmenter le pouvoir des magistrats au sein du Conseil Supérieur de la Magistrature. Seuls les magistrats habilités doivent prendre part aux réunions de cette structure et voter pour en arrêter les décisions (gestion des carrières, application de la discipline, organisation du travail des Cours et Tribunaux…).
De même, en matière économique, tous les corps de contrôle de l'Etat doivent être déconnectés de toute influence de la présidence de la République. Il faut que l'Inspection Générale d'Etat quitte le Palais et se libère de sa tutelle. L'affaire des chantiers de Thiès a fini de convaincre, même les plus sceptiques, jusqu'à quel point un président de la République pouvait peser sur le travail d'investigation d'un inspecteur général d'Etat, également son subordonné.
L'Inspection Générale d'Etat, la Cour des Comptes et la Commission de Contrôle et de Vérification des Comptes des Etablissements Publics seront unifiées et rattachées à une Commission Nationale Indépendante de Lutte contre la Corruption et la Concussion, dont les membres devront se prévaloir d'une probité morale avérée et seront choisis au terme de leur audition publique par la Commission des Finances de l'Assemblée Nationale.
La Presse, le quatrième pouvoir, doit avoir la place qui lui revient de droit dans nos institutions. Je m'engage, si je suis élu, à créer une Haute autorité de la presse et de l'audiovisuel (HAPA) dotée des moyens financiers et logistiques nécessaires pour pouvoir exercer les missions suivantes : assurer la formation continue des journalistes, garantir le respect de la déontologie, délivrer la carte de presse, recueillir et traiter les plaintes contre les journalistes, répartir équitablement l'aide à la presse, libéraliser totalement l'audiovisuel, accorder les licences d'exploitation de télévisions et de radios privées, veiller à la présence de toutes les sensibilités politiques dans les médias d'Etat… La HAPA est une structure paritaire comprenant notamment des représentants de l'Etat et des organisations de journalistes.
Toutes les infractions liées à l'exercice de la profession vont être dépénalisées, à l'exception des délits de droit commun. Aucun journaliste ne sera plus convoqué à la Division des Investigations Criminelles (DIC) ni emprisonné pour ses opinions ou ses articles.
Quant à la Société Civile, elle continuera à jouer son rôle, mais sera associée à la chose publique pour être mieux à même d'exercer sa mission de contrôle. Un Observatoire National des Droits de l'Homme et de la Bonne Gouvernance va être créé. Reconnue par nos lois, cette structure composée de membres choisis par les organisations de la société civile, pourra interpeller le gouvernement par des questions auxquelles celui-ci est tenu de répondre, lui soumettre des propositions pour l'aider à améliorer son action. L'Observatoire peut également se pourvoir devant les tribunaux s'il estime, dans des cas précis, que les droits de l'homme ou les règles de la bonne gouvernance sont violés.
Tout l'édifice démocratique à bâtir ne peut tenir sans un changement des mentalités pour accompagner les réformes institutionnelles.
Pour y arriver, il faut commencer par le renforcement des capacités de deux corps de métiers dans le domaine des libertés publiques et des droits de l'homme : la police et l'administration pénitentiaire.
Sur le budget de l'Etat ou avec l'apport de nos partenaires en développement, nos magistrats et professeurs d'université vont renforcer la formation de nos policiers et surveillants de prison à des idées simples : « l'être humain est revêtu d'une éminente dignité », « la liberté est le principe et sa restriction, l'exception », « l'intégrité physique et morale de tout être est sacrée »…
Les institutions sont abstraites. Leur performance dépend de l'action des êtres humains qui les animent. D'où l'importance du choix des hommes et des femmes suivant la règle : « l'homme qu'il faut à la place qui convient ». Nos meilleurs magistrats, mutés ou mis au placard ces dernières années pour avoir refusé de se démarquer de l'application de la loi, vont retrouver la place qui leur revient dans l'organigramme de la justice.
N'importe qui ne doit pas être Premier ministre ni ministre. Il y va de la respectabilité et de l'efficacité de l'Etat. Des Sénégalais de l'intérieur et de la diaspora, issus de l'administration ou du privé, compétents et respectables, vont être choisis pour exercer les plus hautes fonctions étatiques. Dans ce cadre un certain nombre de Directions centrales feront l'objet d'appel à candidatures.
En ce qui concerne la décentralisation, je m'engage à donner plus de pouvoir aux élus et aux exécutifs locaux (Présidents de région, Maires et Présidents de Conseil ruraux). Il s'agit notamment de mettre en place une fiscalité locale apte à générer des ressources additionnelles aux collectivités locales afin que les transferts de compétence se fassent concomitamment aux transferts de ressources.
En ce qui concerne les communautés rurales, le Président du Conseil rural sera officier d'Etat Civil Principal dans sa circonscription à l'instar du Maire : ces Présidents du Conseil rural, compte tenu de l'étendue de leur terroir et des faibles ressources de leurs budgets seront dotés de véhicules de fonction afin de leur permettre d'effectuer leur mission dans de meilleures conditions.
Dans l'attente de vos réactions à ces idées, je vous donne rendez-vous très prochainement, mes chers compatriotes, pour vous soumettre d'autres propositions.
IDRISSA SECK
Candidat à l'élection présidentielle

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