quinta-feira, 15 de fevereiro de 2007

Guiné-Conakry : Relatório Integral da International Crisis Group , de 14 de Fevereiro de 2007

Rapport Afrique N°121 14 février 2007
Guinée : Le Changement ou le Chaos

La scène politique guinéenne est dominée depuis près de 23 ans par une figure unique, celle du général Lansana Conté. Avant lui, la Guinée indépendante en 1958 n’avait connu qu’un autre homme fort, Ahmed Sékou Touré, dont le règne sans partage fut marqué par la paranoïa des complots, une violence d’État sans précédent en Afrique et l’isolement du pays sur fond de discours nationaliste et socialiste. Après avoir pris le pouvoir avec un groupe d’officiers lors d'un coup d'État, le 3 avril 1984, quelques jours après la mort naturelle de Sékou Touré, Lansana Conté a d’abord incarné un espoir de changement pour les populations guinéennes. L’enthousiasme n’a cependant pas duré très longtemps. Sous ses airs affables et simples, le président Conté a vite démontré qu’il savait également s’approprier jalousement le pouvoir tout en donnant des signes d’ouverture et de rupture avec les excès de son prédécesseur, dont il fut l’un des collaborateurs pendant de longues années.
Mieux que Sékou Touré, Conté a su faire le tri entre les véritables menaces et celles qui n’étaient pas vraiment sérieuses. Il a donc, dès 1985, consolidé son autorité en éliminant ses principaux rivaux au sein de l’armée et certains dignitaires du régime précédent.[1] Il a également compris qu’il lui fallait autoriser un degré minimal de libertés individuelles et de pluralisme politique et se prêter à la corvée des élections afin de protéger un pouvoir qui est toujours resté militaire, personnel et violent.
Les menaces contre le régime Conté ne sont jamais venues des scrutins électoraux prescrits par la Constitution démocratique qu’il avait fait rédiger en 1990. Le pouvoir a toujours gardé un contrôle ferme sur le jeu politique et n’a jamais envisagé de perdre une quelconque élection organisée par ses soins. Les menaces ne pouvaient venir que de l’armée. De fait, les presque 23 ans de pouvoir de Lansana Conté ont été marqués par un certain nombre de complots, réels ou imaginaires, et encore davantage par des rumeurs récurrentes sur des velléités de coup de force, généralement suivies d’arrestations préventives dans les rangs de l’armée. Depuis 2003, c’est plutôt la dégradation de la santé du président qui est apparue comme la menace essentielle à la longévité d’un système qui a permis à une partie de l’élite civile et militaire du pays de s’enrichir outrageusement pendant que la majorité des neuf millions de Guinéens s’enfonçaient dans la misère. Un vide à la tête de l’État et une inévitable guerre de succession faisaient logiquement redouter le pire pour la Guinée qui avait jusque-là échappé aux guerres civiles ayant détruit ses voisins (Liberia, Sierra Leone, Côte d’Ivoire).
C’est de la sérieuse détérioration des conditions de vie des populations et de leur absence totale de perspectives d’amélioration que vient finalement le vrai danger pour le régime Conté. Les signes de mécontentement et de révolte populaire étaient restés jusque-là épars et ne s’étaient pas traduits par des revendications claires de changement politique. Lorsque la grève générale a débuté le 10 janvier 2007, personne ne pouvait en prévoir l'évolution et encore moins le dénouement. S'agissait-il simplement du troisième mouvement d'humeur des centrales syndicales en une année, qui allait se terminer, comme les précédents, par un accord intenable sur le prix du sac de riz et des produits pétroliers ? Les dix-huit jours de grève, les dizaines de milliers de Guinéens descendus dans les rues de Conakry et en dehors de la capitale et les 60 morts au cours des manifestations de janvier ont montré que les responsables syndicaux avaient cette fois franchi le Rubicon et s’étaient s'attaqué au cœur du problème, le régime de Lansana Conté. Ce faisant, ils ont réussi à obtenir le soutien actif des autres acteurs de la vie politique et sociale, partis d'opposition et organisations de la société civile, et à mobiliser la population malgré des conditions de vie précaires et les risques de répression. Mais, à partir du 9 février et suite à la nomination d’Eugène Camara, un proche de Conté, au poste de Premier ministre, la situation s’est dégradée. Une insurrection populaire de plus en plus meurtrière s’est déclenchée pour faire face à un régime autiste. Suite aux protestations et attaques de la population sur les symboles du pouvoir les 9, 10 et 11 février, Lansana Conté a augmenté la répression, portant le bilan total à plus d’une centaine de victimes. Devant les écrans de télévision le 12 février, il a finalement déclaré l’état de siège, suspendant de facto toutes les libertés, confiant le pouvoir à l’armée et établissant un couvre-feu permanent pour une période de dix jours.
A. Un système fondé sur la violence et le patronage
La situation politique, économique et sociale du pays s’est particulièrement dégradée depuis l’élection présidentielle controversée de décembre 2003.[2] Le président, déjà diminué par un diabète aigu, avait remporté un scrutin frauduleux boycotté par tous les dirigeants de l’opposition. Il s’agissait de la troisième élection présidentielle après les scrutins de 1993 et de 1998. En 2001, un référendum constitutionnel avait donné à Lansana Conté la possibilité effective d’être président à vie, en supprimant la limitation des mandats, la limite d’âge (70 ans) et en allongeant la durée de chaque mandat de cinq à sept ans. Depuis sa réélection, la maladie du président n’a fait qu’aggraver les effets de l’usure d’un système dont la longévité repose sur trois piliers :
  • Le contrôle de l’armée et de l’appareil sécuritaire. Le président Conté a montré, à nouveau, lors des derniers événements, qu’il comptait essentiellement sur l’armée pour défendre ses prérogatives. Au plus fort de la contestation populaire, Lansana Conté a rejoint un camp militaire de Conakry d’où il a lancé son appel à l’unité de la nation et de l’armée, le 21 janvier. En 22 ans de pouvoir, le général a favorisé l’enrichissement de ceux de ses compagnons d’armes qu’il n’avait pas physiquement éliminés lors des purges de 1985.[3] Ces officiers, qui composent la haute hiérarchie militaire, sont également des hommes d’affaires prospères dont le destin est lié à celui du président.[4] Des officiers considérés moins sûrs, notamment du fait de leurs origines ethniques, ont été mis à la retraite.[5] Malgré les inégalités dans les promotions au sein de l’armée et dans l’accès des officiers aux canaux d’enrichissement des proches du président, les militaires et plus généralement les forces de sécurité ont été mieux préservés que les populations civiles de l’effondrement de leur niveau de vie au cours des dernières années. À défaut de profiter de largesses extraordinaires, les soldats ont tout de même obtenu le privilège d’acquérir le sac de riz (la denrée de base en Guinée) à dix pour cent de la valeur du marché.[6]

  • L’impunité de l’appropriation privée des ressources publiques. La terreur du régime de Sékou Touré avait fait du détournement des biens publics et de la corruption une entreprise extrêmement périlleuse pour les cadres de l’administration. La libéralisation de l’économie sous Lansana Conté a surtout consisté à créer un “capitalisme de copains” et à encourager une confusion totale entre les biens de l’État et les biens privés. Détournements de fonds, pots-de-vin lors de l’attribution de marchés publics, surfacturations, tout est permis dès lors qu’on se trouve dans les bonnes grâces du président et que l’on ne menace pas le pouvoir. L’enrichissement facile a permis non seulement d’entretenir la loyauté de l’armée mais également d’associer une bonne partie de l’élite civile à l’exercice et à la jouissance du pouvoir. Le président a souvent répété que ses propres ministres étaient des “voleurs”. Il pense d’ailleurs que c’est le cas de tous ses concitoyens, ce qui le déchargerait à bon compte de toute responsabilité. Dans une de ses rares interviews récentes, Conté estimait que « s’il fallait fusiller tous les Guinéens qui ont volé la Guinée, il ne resterait plus personne à tuer… et je ne suis pas un tueur ».[7] Avec une telle conception de l’éthique dans la gestion des affaires publiques, le président a fait de son pays l’un des plus corrompus au monde. Incluse pour la première fois dans l’enquête annuelle de l’organisation Transparency International, la Guinée s’est placée au dernier rang parmi les pays africains.[8]

La capacité à afficher une façade de démocratie électoraliste. La Guinée de Lansana Conté n’est certes pas une exception à cet égard. Comme nombre d’anciens régimes autoritaires en Afrique, celui de Conté a su s’adapter à la démocratisation des années 1990. Il suffit d’organiser des simulacres d’élections à intervalles réguliers pour prétendre à la légitimité. La dernière élection présidentielle en 2003 n’a pas échappé à la règle. Le “dialogue politique” entre le pouvoir et l’opposition avant ces élections était resté dans l’impasse, aucune des revendications des partis d’opposition n’ayant été acceptées.[9] Les médias d’État, les seuls médias audiovisuels jusqu’au milieu de l’année 2006, sont demeurés des organes de propagande inaccessibles aux voix discordantes. La radiotélévision guinéenne (RTG) est d’ailleurs restée fidèle à cette vocation pendant la grève générale et les manifestations de janvier, comme a pu le constater une mission de Crisis Group.[10] L’administration publique, dont les relais les plus puissants sont les gouverneurs et les préfets, n’a jamais fait mystère de sa soumission au parti au pouvoir lors des différentes élections. Ce fut encore le cas à l’occasion du scrutin local de décembre 2005. Lorsque la situation économique devient critique et que le régime a besoin d’aide extérieure du fait de la gouvernance catastrophique du pays, le pouvoir consent à se montrer plus ouvert à des réformes politiques sans conséquence immédiate pour sa pérennité. La conclusion en décembre 2006 du dernier dialogue politique en date, qui portait sur les conditions des élections législatives de juin 2007, a ainsi permis au gouvernement d’obtenir la reprise de la coopération avec l’Union européenne alors que grondait déjà la révolte sociale.[11] Assis sur ces trois piliers, le système Conté a su élargir le cercle de ses bénéficiaires par le jeu des promotions et de disgrâces fulgurantes. Elles permettent de redistribuer quelque peu les fruits du pillage de l’État mais aussi de neutraliser les ambitions prématurées et de réaffirmer l’autorité du seul chef, le président Conté.[12] L’héritage particulier de la “1ère République” de Sékou Touré explique également la facilité avec laquelle un régime aussi corrompu et incompétent que celui de Conté a pu échapper pendant près de 23 ans au soulèvement populaire. La dictature de Sékou Touré a profondément traumatisé les Guinéens et annihilé toute tentation de contester l’ordre établi. Elle a aussi fait de la méfiance envers l’autre une donnée fondamentale de la société guinéenne. Une telle méfiance, typique des régimes totalitaires, ajoutée à celle qui prévalait déjà entre les Guinéens de groupes ethniques différents, rend très difficile toute action collective, qu’elle émane des partis politiques de l’opposition, des organisations de la société civile ou des forces armées.[13] La méfiance entre les principaux groupes ethniques a notamment eu pour conséquence d’empêcher l’émergence d’une opposition forte et unie capable de capitaliser sur l’échec patent du régime Conté.[14] C’est précisément ce que les centrales syndicales ont finalement réussi à faire.

B. Un régime à bout de souffle
Depuis trois ans, le président Conté a multiplié actes et déclarations qui montrent à suffisance qu’il ne retient plus de la fonction qu’il occupe que les privilèges, ignorant totalement les responsabilités qui y sont associées. Les rapports de Crisis Group ont, depuis décembre 2003, attiré l’attention sur les dangers que faisait courir aux populations du pays et à toute l’Afrique de l’Ouest la déliquescence de l’État guinéen dans un contexte de crise en Côte d’Ivoire, de fragile reconstruction post-conflit en Sierra Leone et de fraîche sortie de guerre civile au Liberia.[15] Alors que le président sérieusement malade passait désormais le plus clair de son temps dans son village, le sentiment que le désordre et la lutte des clans s’étaient installés au sommet de l’État est devenu une réalité palpable en avril 2006.
Le 4 avril 2006, un décret présidentiel lu sur les ondes de la radio nationale annonçait un profond remaniement du gouvernement qui renforçait l’emprise du Premier ministre Cellou Dalein Diallo. Technocrate issu du système Conté, ce dernier avait été nommé par le président pour tenter de redresser une économie et des finances publiques à la dérive et pour convaincre les bailleurs de fonds internationaux de reprendre leur assistance financière à la Guinée. Dans ce but, et sans doute aussi pour renforcer sa propre position dans l’optique d’une éventuelle succession au président, Dalein Diallo avait entrepris des réformes économiques et s’était attaqué à des intérêts solidement établis, dont notamment ceux de l’homme d’affaires Mamadou Sylla, président du patronat guinéen, ami et associé en affaires du président Conté.[16] Le Premier ministre était également entré en conflit avec Fodé Bangoura, alors puissant secrétaire général de la présidence et proche collaborateur du chef de l’État depuis de longues années. Le 5 avril, le décret présidentiel de la veille fut remplacé par un autre qui limogeait le Premier ministre sans en désigner un nouveau.
Devenu ministre d’État chargé des affaires présidentielles et de la coordination des activités gouvernementales, Fodé Bangoura est apparu comme le nouvel homme fort du régime, du moins parmi les civils. Secret et craint par ses adversaires potentiels dans le cercle du pouvoir,[17] Bangoura incarne la fidélité au président Conté et le point d’ancrage des équipes gouvernementales qui se sont succédées au gré des humeurs du chef et des pressions des différents clans qui influencent ses décisions : les clans des épouses du président et de sa propre famille, ceux formés par les officiers de l’armée, vieux compagnons de route du président, ceux des caciques du parti au pouvoir, le Parti pour l’unité et le progrès (PUP), sans oublier les puissants réseaux d’affaires guinéens et étrangers qui prospèrent dans l’antichambre présidentielle.[18]
Malgré ses ambitions hégémoniques et sa fonction de Premier ministre de fait, Fodé Bangoura n’a pas davantage que ses prédécesseurs réussi à créer la cohésion gouvernementale indispensable à la mise en œuvre d’une réelle politique économique et sociale capable de mettre fin à la dégradation continue du niveau de vie des populations.[19] Dans un coup de théâtre typique de la politique guinéenne, Fodé Bangoura a été brutalement limogé le 19 janvier 2007, au plus fort de la crise. Il a été remplacé par le ministre du Plan, Eugène Camara, personnage moins controversé mais membre des équipes gouvernementales de Conté de ces dix dernières années.[20] C’est le même Eugène Camara que le président a ensuite nommé comme Premier ministre le 9 février, déclenchant une nouvelle révolte populaire.[21]
En décembre 2006, le système Conté a illustré à nouveau sa nature. Le 16 décembre, le cortège du président Lansana Conté s'est immobilisé devant la prison centrale de Conakry. Le chef de l’État, qui aurait été surpris d’apprendre que deux de ses amis avaient été mis aux arrêts depuis huit jours, est allé personnellement les faire libérer.[22] Mamadou Sylla et Fodé Soumah, ancien ministre et surtout ancien vice-gouverneur de la banque centrale, sont en effet poursuivis pour émission de chèques sans provision, détournement de deniers publics et complicité portant sur une somme de plus de 15,5 milliards de francs guinéens, environ deux millions d'euros.
L’homme d’affaires Mamadou Sylla doit son fulgurant enrichissement à sa collusion avec le président, qui lui a permis d'obtenir d'innombrables marchés publics, des exonérations fiscales et des faveurs de la Banque centrale entre autres avantages indus. Fodé Soumah, nommé un temps “parrain du PUP”, avait mené avec zèle la campagne présidentielle de décembre 2003 en lieu et place du président malade, à coups de billets de banque et de variantes du slogan “Conté à jamais”.[23] Le vice-gouverneur avait ensuite adopté un profil plus discret et occupé le poste de ministre de la Jeunesse et des Sports. Les diplomates qui s’efforçaient de croire que l’inculpation de ces deux très proches du pouvoir inaugurait une vaste opération “mains propres” ont dû se rendre à l’évidence lorsque le président est allé délivrer ses amis avant d’expliquer qu’il incarnait la justice.[24]
Le 22 décembre, un décret présidentiel remaniait une énième fois le gouvernement et se traduisait par le départ de trois ministres dont les relations avec le ministre d’État d'alors, Fodé Bangoura, s’étaient dégradées. Parmi ceux-ci, le ministre des Transports Alpha Ibrahima Keira, beau-frère de l’influente deuxième épouse du président, Kadiatou Seth Conté. L’émoi et les pressions du clan familial ont rapidement porté leurs fruits.[25] Le 27 décembre, un nouveau décret présidentiel maintenait le ministre des Transports à son poste et confirmait le départ des deux autres. Comme en avril 2006, la question de savoir si le président Conté lit les décrets avant de les signer, si ses collaborateurs profitent de son état de santé pour l’abuser ou si, jouant de sa maladie, il change ses décisions en toute conscience reste posée.[26] Lorsque son pouvoir est en jeu, le président retrouve cependant toujours sa lucidité comme l’ont prouvé les événements de janvier.
Les caractéristiques du système Conté, corruption, népotisme et répression, ont achevé de faire de la Guinée un pays à part. L'ampleur de la pauvreté, le délabrement des infrastructures, l'incapacité de l'État à fournir les services sociaux de base, font penser à un pays sortant d’une guerre civile. La Guinée a pourtant échappé aux conflits qui ont ravagé ses voisins immédiats, Liberia, Sierra Leone et Côte d'Ivoire. Elle a certes connu en 2000 et 2001 de violentes attaques rebelles venues du Sierra Leone et du Liberia alors dirigé par Charles Taylor mais les hostilités et les destructions sont restées localisées.[27] Elle a aussi dû accueillir plus de 200 000 réfugiés de ces pays voisins plongés dans la guerre.
Mais ces épisodes ne sauraient expliquer l'état actuel du pays. La Guinée est un pays doté de ressources naturelles exceptionnelles et devrait être l'un des plus riches d'Afrique de l'Ouest. C'est bien la gouvernance du pays pendant 26 ans sous Sékou Touré puis pendant près de 23 ans sous Lansana Conté qui est en cause. La révolte des Guinéens en janvier 2007 ne pouvait donc apparaître comme une surprise.
III. La Gréve de janvier 2007
A. De la grève aux manifestations
L’affichage du mépris du chef de l’État pour le respect de la loi et du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire, l’instabilité gouvernementale et le népotisme qui l’accompagne ont eu raison de la patience des acteurs de la société civile guinéenne. Les syndicats, qui s’étaient imposés depuis la grève générale du 27 février au 3 mars 2006 comme la seule force organisée et crédible capable de porter le mécontentement populaire, ont déposé le 2 janvier 2007 un avis de grève générale et illimitée à compter du 10 janvier 2007, “jusqu’au rétablissement de l’ordre républicain”.
Les deux centrales syndicales du pays, la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG) et l’Union syndicale des travailleurs de Guinée (USTG), ont dénoncé pêle-mêle “l’ingérence du chef de l’État, chef de l’exécutif, dans le judiciaire par la libération illégale de citoyens en conflit avec la loi”, “l’incapacité prouvée du gouvernement à arrêter la dépréciation continue du franc guinéen qui aggrave l’inflation et la chute drastique du pouvoir d’achat des populations”, “l’incapacité avérée du Premier magistrat de la République d’assumer correctement la mission à lui confiée par le peuple de Guinée conformément à la Loi fondamentale”. Les responsables syndicaux ont conclu qu’ils n’avaient plus d’interlocuteurs crédibles ni du côté du gouvernement ni de celui du patronat pour l’application des accords tripartites signés le 3 mars et le 16 juin 2006, au sortir des deux précédentes grèves générales.[28]
Le parti au pouvoir et le gouvernement ont rapidement estimé que les syndicats investissaient le champ politique, ce qui n’était pas leur rôle. La grève générale de janvier était sans aucun doute dès le début davantage un mouvement de contestation d’un régime à bout de souffle qu’une grève ordinaire pour des raisons catégorielles. Les dirigeants syndicaux ont simplement compris, comme la très grande majorité de leurs concitoyens, que les tares du système Conté (mauvaise gouvernance, corruption, népotisme, et affairisme) sont la cause directe de la stagnation des faibles revenus et de l’inflation qui les appauvrissent davantage tous les jours ; des coupures incessantes d’eau courante et d’électricité pour la minorité qui y a accès ; du désastre du système éducatif qui délivre vrais et faux diplômes qui ne donnent de toute façon accès à aucun emploi ; de l’état de délabrement des hôpitaux et de la dégradation des infrastructures routières qui finit par isoler des parties entières du territoire comme la Région Forestière.[29] En octobre dernier, entre 4000 et 6000 habitants de N’Zérékoré, la deuxième ville du pays située dans cette région proche des frontières du Liberia, de la Sierra Leone et de la Côte d'Ivoire, étaient descendus en masse dans les rues pour protester contre leur abandon par le pouvoir central.[30]
La grève déclenchée le 10 janvier a été largement suivie dès le début, comme a pu le constater à Conakry une mission de Crisis Group.[31] Fonctionnaires, employés du secteur privé formel, commerçants du secteur informel sont tous restés chez eux. Les banques sont restées fermées et le secteur clé de la bauxite, première ressource de l’économie guinéenne, a également rejoint le mouvement une semaine plus tard. Même si certains ont fermé leurs magasins davantage par peur des casses et éventuels pillages que par respect du mot d’ordre de grève, le résultat était identique : le pays a été complètement paralysé. La grève est restée non violente jusqu’à ce que les réactions maladroites puis répressives du pouvoir poussent les dirigeants syndicaux et les populations à passer à l’étape des manifestations. À la demande du président, les centrales syndicales ont soumis le 14 janvier, par écrit, leurs propositions de sortie de crise.
Outre des mesures d’urgence de soutien au pouvoir d’achat et l’application intégrale des accords précédemment signés avec le patronat et le gouvernement, les centrales syndicales ont réclamé au président Conté “la mise en place d’un gouvernement de large consensus, dirigé par un Premier ministre chef du gouvernement”, un acte qui, selon le texte, permettra au chef d’État de “prendre sa retraite afin de mieux ménager sa santé”.[32]
C’est le président de l’assemblée nationale, Aboubacar Somparé, qui a d’abord répondu au nom du chef de l’État aux syndicats en ignorant la revendication centrale de nature politique et en promettant de satisfaire quelques points de revendications économiques et sociales. Le refus des dirigeants syndicaux d’appeler à la fin de la grève a provoqué le courroux de Lansana Conté.
Une marche pacifique organisée le 17 janvier dans le centre-ville administratif de Conakry (la commune de Kaloum) et menée par les deux figures de proue du mouvement, Ibrahima Fofana (USTG) et Rabiatou Serah Diallo (CNTG), a été violemment dispersée. Dans la soirée, le président Conté, retranché dans l’un des camps militaires situés en pleine ville, a admonesté les grévistes dans son style paternaliste avant de les menacer de mort : “Je vais vous tuer tous tant que vous êtes, je suis militaire, j’ai déjà tué des gens”, leur a-t-il lancé.[33]
À partir du 18 janvier, la situation est devenue quasi-insurrectionnelle partout dans le pays tandis que le message des manifestants se faisait plus radical : ils réclamaient le départ pur et simple du président.
Outre les banlieues de Conakry, presque toutes les villes de l'intérieur du pays ont manifesté leur adhésion au mouvement de contestation du régime Conté. D'est en ouest et du nord au sud, Télimélé, Koundara, Dalaba, Pita, Labé, Mamou, Dabola, Siguiri, Kankan, Kissidougou et N’Zérékoré ont été le théâtre de manifestations d'envergure et, pour la plupart, d’affrontements avec les forces de l’ordre entre le 18 et le 23 janvier. Le bilan était déjà d'une dizaine de morts par balles avant la sanglante journée du 22 janvier. Les centrales syndicales et le Conseil national des organisations de la société civile de Guinée (CNOSCG) avaient appelé à une grande manifestation pacifique ce jour-là. Les manifestants devaient venir par milliers des quartiers périphériques et converger vers le centre-ville, symbole du pouvoir de Conté. Les affrontements avec les forces de sécurité, police et gendarmerie ont commencé dès que les attroupements se sont formés en banlieue.
C'est cependant lorsque la marée humaine de manifestants a voulu passer le pont du 8 novembre, passage obligé vers le centre-ville où étaient postés notamment les “bérets rouges” de la garde présidentielle, des gendarmes et des policiers, que la répression a été la plus meurtrière. L'objectif était d'empêcher par tous les moyens les manifestants d'entrer au centre-ville. Il fut atteint, au prix de tirs à balles réelles sur des jeunes non armés. Dans la même journée du 22 janvier, la Bourse du travail, lieu de rassemblement des centrales syndicales, a été saccagée par des “bérets rouges” menés par le fils du président, Ousmane Conté, et tous les dirigeants du mouvement syndical ont été brutalisés et détenus pendant six heures dans les locaux de la Compagnie mobile d'intervention et de sécurité (CMIS) relevant de la police.[34]
Au total, au moins 59 civils non armés, dont certains des mineurs, ont été tués par les forces de sécurité entre le 15 et le 24 janvier. Ce qui de l'extérieur a pu être considéré comme une grève générale qui aurait simplement mal tourné était en réalité un mouvement de révolte populaire exceptionnel. Dans un pays où la répression et l'impunité des policiers, gendarmes et militaires font partie d’une culture vieille de près de 50 ans, les milliers de personnes qui sont sorties dans les rues savaient qu'elles prenaient des risques pour leur vie. Elles ne sont sorties que pour exprimer un ras-le-bol extrême face à un régime déliquescent mais qui refuse de s'effacer et parce que beaucoup estiment n'avoir plus grand-chose à perdre. À quelques jours du 22 janvier, au milieu de la grève générale, il était encore difficile d'imaginer que les habitants de Conakry allaient répondre massivement à l'appel à manifester.[35]
Il y a en effet une différence entre respecter une consigne de grève en restant chez soi et sortir manifester dans une ville quadrillée par les forces de sécurité. Le fait que le mouvement ait simultanément embrasé les villes de l'intérieur d'un pays, y compris les plus enclavées comme Koundara à la frontière avec le Mali, est particulièrement significatif. La révolte n'était ni un caprice de la capitale ni l'expression du mécontentement d'un groupe social ou ethnique particulier.
Même la commune de Kaloum (centre-ville) qui abrite une forte communauté Sosso, le groupe ethnique du président Conté, a rejoint le mouvement. Significatif également a été l'échec total de la tentative du parti au pouvoir (PUP) de susciter une contre-manifestation de soutien au régime. La seule “manifestation” de soutien s'est déroulée à l'intérieur d'un camp militaire où elle a été organisée par des épouses de militaires, en présence du président.
Lorsque Lansana Conté a enfin compris que son long règne n’avait jamais été autant menacé depuis la mutinerie et la tentative de coup d’État en 1996, il a décidé de s'appuyer sur le soutien de son armée, sur la propagande de la Radiotélévision guinéenne (RTG), sur les appels à l’unité, à la paix et au statu quo et sur la médiation de sa première épouse, Henriette Conté, et celle des présidents des “institutions républicaines”, Parlement, Cour suprême et Conseil économique et social. Le général-président a retrouvé toute sa lucidité pour appeler à l’unité nationale et surtout à celle de l'armée.
Parmi les scénarios possibles à très court terme figurait en effet en bonne place un coup d’État militaire qui pouvait venir aussi bien de ses collaborateurs les plus fidèles que des “jeunes officiers” sur lesquels nombre de Guinéens croient pouvoir compter pour instaurer, le moment venu, une transition militaire “à la malienne” ou “à la mauritanienne”.[36] Même si l’armée, par réflexe, loyauté et communauté d'intérêts, avait de fortes chances de se ranger derrière son chef le plus longtemps possible, elle aurait pu être poussée à agir si le soulèvement populaire avait fini par déborder les unités affectées à la répression des manifestations. Le président a fini par accepter un compromis, sans doute tactique, avec les syndicats pour dénouer la crise. Elle ne l’aura été que ponctuellement, les manifestations ayant repris le 10 février. L'option d'un retournement de l'armée contre son chef suprême est de nouveau d’actualité.
B. Acteurs et dynamique d'une révolte populaire
Depuis le 27 février 2006, date du déclenchement de la première grève générale qui a paralysé le pays, les responsables syndicaux sont devenus des acteurs incontournables de la vie économique, sociale et politique. Cette grève avait marqué la renaissance d’un secteur clé de la société civile, qui avait joué un rôle important en Guinée avant l’indépendance en 1958 et jusqu’au démantèlement et l’interdiction des syndicats en 1961 par Sékou Touré, lui-même ancien dirigeant syndical, après une grève des enseignants. Les syndicats n’ont retrouvé une existence légale qu’en 1990 et n’avaient pas depuis lors pesé sur le cours des événements. La dégradation de la situation économique et la paupérisation des travailleurs dont ils sont censés défendre les intérêts les ont remis progressivement en selle au cours de ces dernières années.
Contrairement aux partis politiques, par définition orientés vers la conquête du pouvoir, les syndicats ont la capacité d’unir toutes les couches de la population sur le terrain de la défense des conditions de vie des travailleurs et, par extension, de celles de tous les citoyens. Ils sont également les seuls à disposer d’un puissant instrument légal d’action collective, le droit de grève, sans s’exposer immédiatement à la furie d’un gouvernement prompt à trouver dans toute expression publique une volonté de déstabilisation politique. L’année 2006 a vu s’amorcer un mouvement de contestation inédit du régime Conté et une réflexion encore plus inédite sur les moyens de sortir le pays de l’archaïsme politique et du marasme économique. La grève générale du 27 février au 3 mars, la Concertation nationale des forces vives du 17 au 20 mars, la grève générale du 12 au 16 juin (qui s’était traduite par la mort d’au moins onze jeunes tués par les forces de l’ordre)[37] et les tables rondes sur les enjeux du développement guinéen du 5 au 16 octobre sont autant d’actions qui ont fait émerger la puissante revendication d’un changement radical à l’occasion de la grève de janvier.
Ces différentes initiatives ont eu pour mérite de permettre des échanges entre les partis politiques, les syndicats, les autres organisations de la société civile et même des représentants d'une administration dont la plupart des membres sont conscients de la déliquescence du régime et du pays. Malgré leurs divergences quant aux modes d’action qui devraient conduire au changement et leurs querelles de positionnement, la majorité des acteurs de la vie politique et sociale guinéenne sont d’accord sur un point : la nécessité de rompre avec le système Conté.
Structurellement affaiblis par les conflits de pouvoir, les antagonismes ethniques, la capacité de répression du régime et une grande hésitation de leurs dirigeants à prendre des risques personnels pour crédibiliser leur engagement, les partis d’opposition ont intégré le fait que les syndicats avaient une force de mobilisation des Guinéens largement supérieure à la leur.
Les partis n’ont tout de même pas été totalement absents lors du mouvement de contestation de janvier. Dans une déclaration le 8 janvier, quatorze partis d’opposition ont apporté leur soutien à la grève générale et appelé tous les citoyens à entreprendre des “actions de désobéissance civile” pour accompagner la fronde syndicale.
Si les chefs de partis se sont montrés particulièrement discrets, les mouvements de jeunes de l’opposition ont participé aux efforts de mobilisation dans les quartiers. La peur de la répression explique largement le profil bas adopté par les partis pendant les manifestations de janvier. Si la contestation avait été dès le départ portée par les responsables de l’opposition, elle aurait été considérée par le pouvoir comme une tentative de renversement et traitée comme telle, c’est-à-dire qu’elle aurait été durement réprimée. En faisant le lien entre les conditions de vie exécrables des travailleurs et la gouvernance catastrophique au plus haut niveau de l’État, les syndicats pouvaient, eux, rester dans leur rôle tout en avançant une revendication principale de nature politique, l’effacement du président Conté au profit d’un Premier ministre qui soit le chef d’un gouvernement de consensus.
La grève générale a également bénéficié du soutien des autres organisations de la société civile réunies notamment sous la bannière du Conseil national des organisations de la société civile de Guinée (CNOSCG). Les véritables meneurs du mouvement sont demeurés les responsables syndicaux qui ont constamment appelé à une grève et à des manifestations non violentes, même après avoir été brutalisés et humiliés par les forces de sécurité. La Secrétaire générale de la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG), Rabiatou Serah Diallo, et son homologue de l’Union syndicale des travailleurs de Guinée (USTG), Ibrahima Fofana, rejoints par les responsables de deux autres organisations syndicales,[38] ont représenté les symboles d’une révolte qui est vite devenue nationale et populaire. La Bourse du travail, siège de la CNTG, a servi de quartier général pour la grève.
Tous les jours, les responsables syndicaux rendaient compte à leur base de l’état des négociations engagées avec le pouvoir et réfléchissaient à la suite à donner au mouvement.[39] Malgré les violences subies, notamment le 22 janvier lorsqu’ils ont été frappés puis arrêtés et que leurs bureaux ont été saccagés, les dirigeants syndicaux ont continué à négocier avec le pouvoir qui les agressait et ont même trouvé des excuses au président Conté qui a ordonné leur libération au soir du 22 janvier. [40]
La modération des responsables des centrales syndicales et l’implication des autorités religieuses ont permis de limiter l’ampleur du massacre des populations civiles. Après la cinquantaine de morts enregistrée le 22 janvier, les meneurs auraient pu fermer la porte des négociations et réclamer, comme l’exigeaient nombre de manifestants, le départ pur et simple du président Conté. Le pays aurait pu alors basculer, dès janvier, dans une spirale meurtrière de manifestations, de répression et de règlements de comptes qui n’auraient pas épargné les familles et les clans associés de près ou de loin au pouvoir.
Les dirigeants syndicaux ont fait montre d’une grande responsabilité tout au long des évènements de janvier et ils ont été suivis en cela par la majorité des manifestants de Conakry et des autres villes qui se sont abstenus initialement de tout casser et de piller. Dans une ville comme Labé, ce sont les femmes qui avaient déclenché une impressionnante manifestation le 21 janvier.
Les réactions recueillies à Conakry après la suspension de la grève le 27 janvier montraient à la fois un respect des mots d’ordre des centrales syndicales et une disposition à reprendre la grève et les manifestations dès que la consigne leur en serait donnée mais également une frustration face à un dénouement qui n’était qu’une vague promesse de changement. Si ce changement ne se concrétisait pas, la prochaine révolte avait toutes les chances de s’affranchir de tout contrôle, de toute discipline et de toute modération. C’est précisément ce qu’il est advenu après la nomination le 9 février d’un collaborateur de longue date du président, Eugène Camara, en tant que Premier ministre en lieu et place de la personnalité consensuelle exigée par les syndicats et les populations. Le mouvement de révolte qui a commencé le 10 février est effectivement plus violent et incontrôlé et s’accompagne de pillages et de règlements de comptes.
IV. L’Impératif d’un changement en profondeur
Le 27 janvier, de longues négociations avaient abouti à la signature d’un accord entre les centrales syndicales et l’État guinéen qui prévoit, entre autres mesures, la mise en place d’un gouvernement de large consensus dirigé par un Premier ministre qui serait le chef du gouvernement. Les syndicats avaient alors décidé de suspendre la grève générale et les manifestations. Au-delà de la personnalité qui devait être choisie pour occuper ce poste de Premier ministre aux pouvoirs élargis, la principale interrogation était de savoir si cet épilogue avait une quelconque chance de conduire à la marginalisation du président Conté et au changement de système pour lesquels les Guinéens avaient massivement manifesté et des dizaines d’entre eux s’étaient sacrifiés. La décision de Conté de choisir un de ses proches pour occuper le poste de Premier ministre, treize jours après l’accord, a mis fin à ce questionnement sur les prérogatives du futur chef du gouvernement. Avant de revenir sur cette nouvelle provocation du président Conté, il convient de présenter et d’analyser l’accord qui a mis fin très provisoirement à la grève de janvier.
A. De la grève de janvier 2007 À l’insurrection de février
Les dirigeants syndicaux et les représentants du pouvoir savaient que la grève générale ne pouvait s’éterniser sans déboucher sur des émeutes de la faim et des pillages. Les Guinéens, dont la majorité sont contraints de rechercher chaque jour les moyens de nourrir leur famille, ne pouvaient rester bien longtemps inactifs. Soit la mobilisation populaire et le bilan humain atteignaient au plus vite le seuil critique pour provoquer le départ du président ou la neutralisation effective de ses pouvoirs au profit d’un Premier ministre, soit les responsables syndicaux se résolvaient à accepter un compromis avec le pouvoir en-deçà des attentes initiales d’un vrai changement. L’accord finalement signé le 27 janvier semblait répondre à la principale revendication politique des syndicats mais il ne garantissait nullement l’effacement du président Conté et encore moins l’amorce d’une rupture avec le système Conté.
1. L’accord du 27 janvier 2007
Les négociations ont impliqué les centrales syndicales CNTG, USTG, ONSLG et UDTG, le Conseil national du patronat et les représentants du gouvernement. Les présidents de l’assemblée nationale, Aboubacar Somparé, de la Cour suprême, Lamine Sidimé, et du Conseil économique et social, Michel Kamano, tous liés au régime, ont joué le rôle de médiateurs tandis que les autorités religieuses chrétiennes et musulmanes ont servi de facilitateurs. Le premier point de l’accord prévoit la nomination d’un Premier ministre et la formation d’un nouveau gouvernement en ces termes :
Le président de la République a accepté de nommer un Premier ministre chef de gouvernement en vertu des dispositions que lui confère l'article 39 de la Loi fondamentale. Le projet de décret portant attributions du Premier ministre ainsi que sa lettre de mission ont reçu l'approbation du chef de l'Etat. Ce Premier ministre, dont la nomination interviendra dans les prochains jours, doit être un haut cadre civil compétent, intègre et qui n'a été ni de près ni de loin impliqué dans des malversations.[41]
Outre ce point politique, l’accord réaffirme le respect de la séparation des pouvoirs et la poursuite de l’action judiciaire déjà engagée à l’encontre des deux amis du président, Mamadou Sylla et Fodé Soumah, de même qu’une série de mesures économiques et sociales, notamment : la réduction du prix des produits pétroliers ; l’arrêt immédiat des exportations des denrées alimentaires et des produits halieutiques et forestiers ; la réduction du prix du riz et la mise en place d’une commission chargée du suivi de l’évolution du prix du riz ; la révision des statuts de la Banque centrale de la république de Guinée (BCRG) et son indépendance vis-à-vis de la présidence de la république et la révision de certaines conventions minières, halieutiques et forestières. L’accord prévoit également la mise en place d’une commission d’enquête pour retrouver et sanctionner les auteurs des exactions commises lors de la grève et des manifestations.[42]
L’acceptation par le président de la nomination d’un Premier ministre, chef du gouvernement, pouvait être a priori considérée comme une victoire des centrales syndicales. Mais lorsqu’on sait comment se sont terminées les précédentes périodes de cohabitation du président Conté avec ses Premiers ministres réputés réformateurs et qu’on ne se méprend pas sur la conception que le général se fait de l’exercice du pouvoir, la circonspection était de rigueur. Le président, qui a encore rappelé qu’il était à son poste par la grâce de Dieu et qu’il comptait bien y rester, n’était certainement pas prêt à abandonner ses pratiques prédatrices.[43]
Le Premier ministre qui n’avait pas encore été nommé et sur lequel reposaient tous les espoirs de changement serait, dans l’état actuel de la législation, dans une position extrêmement précaire. La Constitution guinéenne, de type présidentialiste, ne prévoit pas de poste de Premier ministre et encore moins de Premier ministre qui serait le chef du gouvernement et qui serait le détenteur réel du pouvoir exécutif. Le décret portant attributions du Premier ministre ne fait état que d’une délégation de certaines prérogatives du chef de l’État au Premier ministre.
La seule garantie dont disposaient les responsables syndicaux quant à la marge de manœuvre du futur chef de gouvernement était donc l’accord du 27 janvier qui n’a été signé du côté du régime Conté que par le ministre d’État en charge de l’Économie et des Finances, Madikaba Camara, au nom du gouvernement sortant, et par le président de l’assemblée nationale, Aboubacar Somparé, au nom de la médiation. Autant dire que Lansana Conté, épaulé par Somparé, Sidimé, Kamano et conseillé par son entourage civil et militaire, avait obtenu la fin de la grève sans avoir encore perdu une parcelle de son pouvoir. Considérant qu’il avait été humilié par les syndicats, le général, réputé revanchard et qui affirme n’avoir jamais perdu une guerre, pouvait même planifier un redoutable durcissement de son régime.
2. Le choix du 9 février et ses conséquences tragiques
Pendant treize jours, le pays est resté suspendu à l’annonce du nom du nouveau chef de gouvernement de large consensus qui devait incarner la rupture avec le système Conté. Des propositions de noms sont parvenues à la présidence mais les dirigeants syndicaux et les chefs de partis politiques n’ont à aucun moment été formellement consultés. Las d’attendre, les dirigeants syndicaux ont menacé de reprendre la grève le 12 février si le président ne daignait pas nommer le Premier ministre avant cette date. C’est finalement le 9 février qu’Eugène Camara, membre de plusieurs équipes gouvernementales au cours de ces dix dernières années et récemment promu ministre chargé des Affaires présidentielles, a été désigné à ce poste. Alors que les syndicats et les populations s’attendaient à la désignation d’une personnalité neutre et relativement consensuelle, le président a opté pour un de ses fidèles collaborateurs, certes plus intègre que d’autres mais totalement associé au régime et comptable de sa faillite.
L’une des rares visites étrangères enregistrées à Conakry avant le dénouement ponctuel de la crise de janvier fut celle d’une délégation ivoirienne conduite par le conseiller spécial chargé de la défense, de la sécurité et des équipements militaires, Bertin Kadet, porteur d’un message du président Laurent Gbagbo à son homologue guinéen.[44] Lorsqu’on sait comment le chef d’État ivoirien a accepté des accords politiques puis neutralisé les Premiers ministres auxquels il était censé déléguer ses pouvoirs dans le cadre du processus de paix dans son pays, on ne pouvait que craindre la nature des conseils qu’il a pu donner en urgence le 26 janvier au président Conté. Mais contrairement à la Côte d’Ivoire, la révolte n’est pas portée en Guinée par des partis d’opposition aux capacités de mobilisation limitées mais plutôt par une large majorité de la population.
En Guinée, la situation économique individuelle est telle que la population n’a pas grand-chose à perdre. Il était probable que la grève et les manifestations reprendraient au moindre signe de mauvaise foi du président Conté. Du côté des manifestants comme de celui des “bérets rouges”, les positions ne pouvaient être que plus radicales qu’en janvier. Ce scénario pouvait déboucher sur un bain de sang et, à terme, sur une déstabilisation durable de la Guinée et de ses voisins immédiats. On s’en est rapproché plus tôt qu’on ne l’imaginait, le président ayant exposé sa mauvaise foi dès la première étape du choix de la personne du Premier ministre.
La réaction a été immédiate et violente. Dès la nuit du 9 février, des manifestations de colère ont commencé dans la banlieue de Conakry. Le lendemain, la révolte s’est répandue dans le pays. Le cortège du président a été attaqué à coup de jets de pierres par des jeunes lycéens. La garde présidentielle a répliqué par des tirs à balles réelles faisant trois morts. Les manifestations contre Lansana Conté, accompagnées désormais de pillages et de destructions, se sont multipliées sur toute l’étendue du territoire. Les villes de Kankan, Faranah, Kindia, N’Zérékoré, Pita, Guéckédou, Dabola, Labé et Siguiri se sont toutes enflammées. Des préfectures et de nombreux édifices publics ont été brûlés, des maisons appartenant à des membres du gouvernement ou à des proches du président ont été saccagées et pillées tout comme des magasins et d’autres biens publics et privés. Le chaos que l’on pouvait redouter est arrivé plus tôt qu’on ne pouvait l’imaginer.
Le président Conté a manifestement mal jugé la portée du mouvement de janvier et le changement majeur qu’il avait provoqué : les Guinéens ne sont plus disposés à se plier à ses volontés et ses caprices ni à supporter une énième provocation sans réagir. Deux jours après la nomination d’Eugène Camara, le bilan avait dépassé la vingtaine de morts. Au total, entre le début de la première grève le 10 janvier et sa relance le 12 février, plus d’une centaine de personnes ont perdu la vie. Le message s’est précisé sans ambiguïté : les manifestants exigent le départ de Conté et de son nouveau Premier ministre. Les dirigeants syndicaux ne contrôlent plus les groupes de jeunes déchaînés. La grève organisée de janvier a laissé la place à la révolte de février, portée par des foules qui n’ont rien à perdre et n’ont plus peur de mourir. Alors que les pillages ont commencé et que l’anarchie s’installe dans la plupart des villes, il sera difficile d’y mettre fin. Les règlements de compte aussi pourraient être plus sanglants. Quelques militaires ont déjà été lynchés à mort par des manifestants. Jusque-là, seuls les biens des notables du régime et de leurs familles ont été visés. Leur intégrité physique pourrait être rapidement menacée, ce qui déclenchera une spirale de violence incontrôlable.
Le bilan de nouveaux affrontements entre des dizaines de milliers de jeunes manifestants décidés à en découdre et les unités d'élite acquises au pouvoir de Conté pourrait dépasser très vite celui qu'a connu en 2005 un autre pays d'Afrique de l'Ouest en quête de changement politique, le Togo. Le fils du défunt dictateur de ce pays, Gnassingbé Eyadema, avait été imposé comme le successeur de son père au terme d'une élection truquée et d'une répression sanglante des contestataires par des forces de sécurité au service d'un régime alors vieux de 38 ans. Selon les Nations Unies, entre 400 et 500 civils avaient été tués et des dizaines de milliers de Togolais avaient dû fuir le pays.
En Guinée comme au Togo, les forces de sécurité sont le bouclier du pouvoir. Et, comme au Togo, il y a au moins un fils de président dans l'armée, Ousmane Conté,[45] qui n'hésite pas à participer directement à la répression et qui, s'il le pouvait, ne rechignerait sans doute pas à succéder à son père. Mais une catastrophe en Guinée a de fortes chances de prendre une ampleur régionale du fait de l'environnement fragile du pays. Non seulement les longues guerres civiles au Liberia et en Sierra Leone ont inondé en armes la région forestière de Guinée mais, de plus, cette dernière a été directement impliquée dans les conflits de ses voisins.
Comme le soulignait un précédent rapport de Crisis Group,[46] la Guinée de Lansana Conté a été à la fois victime et complice de la guerre nomade qui a secoué toute la région. Elle a soutenu, abrité et armé jusqu'en 2003 les rebelles libériens du LURD (Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie) qui combattaient le régime de l'ancien président Charles Taylor, qui avait lui-même attaqué les villes frontalières de Guinée en 2000 et 2001. L’implication ancienne de la Guinée dans le conflit libérien combinée à la situation politique interne du pays à l’heure actuelle peut avoir de graves conséquences, aussi bien à Conakry que dans la Région Forestière aux abords du Liberia, du Sierra Leone et de la Côte d’Ivoire.
À Conakry, plusieurs témoignages font état de la participation de mercenaires libériens à la sanglante répression menée par le régime Conté depuis le début de la crise. Il s’agirait d’éléments mis à la disposition du pouvoir par Aïcha Keita Conneh, ancienne compagne du dirigeant du LURD, Sekou Damaté Conneh. Très proche de Lansana Conté, Aïcha Keita avait joué un rôle clé dans l’organisation logistique de l’appui de l’armée guinéenne à la rébellion du LURD, alors approvisionnée en armes depuis la Région Forestière. Forte de son ascendance sur nombre de combattants du LURD dont elle assurait la subsistance, elle s’était même proclamée en 2004 dirigeante du mouvement, en lieu et place de son ex-époux en perte de vitesse. Depuis de nombreuses années, elle dispose d’une résidence protégée par des soldats dans la capitale guinéenne et a toujours conservé ses liens avec l’entourage du président Conté.
Le danger pourrait également venir directement de la Région Forestière. Les limites des programmes de désarmement et de réinsertion des anciens combattants au Liberia, les frustrations des plus de 7000 "jeunes volontaires" guinéens qui avaient appuyé l'armée de leur pays en 2000/2001, les liens entre les groupes ethniques de part et d'autre de la frontière et les immenses difficultés économiques et l'isolement géographique de cette région méridionale en font une zone idéale pour des entrepreneurs de guerre tentés de profiter de la déconfiture de l'État guinéen pour lancer une rébellion armée. Jusqu'en mai 2005, des sources libériennes à Ganta et à Monrovia faisaient état de recrutement et d'infiltration de combattants oisifs dans la Région Forestière de Guinée.[47] Les attaques qu'on pouvait craindre ne s'étaient heureusement pas matérialisées.
Le contexte actuel pourrait être plus favorable. Si l'armée guinéenne devait être mobilisée dans les villes pour mater une insurrection populaire contre le régime Conté, les infiltrations d'armes et de combattants en forêt n'en seraient que plus faciles. Une nouvelle rébellion aurait à sa portée un discours politique tout trouvé : lutter contre le pouvoir anti-démocratique, corrompu et violent de Conakry. En réalité, une telle rébellion ne servira pas davantage que le régime de Conakry l'intérêt général des populations guinéennes. Elle aura surtout pour conséquence de plonger la Guinée dans la guerre civile et probablement d'y entraîner ses voisins immédiats du Liberia, du Sierra Leone et même de la Côte d'Ivoire. Dans ce dernier pays, la frontière avec la Guinée est contrôlée par les Forces nouvelles, l'ex-rébellion en conflit avec le président Laurent Gbagbo, un des rares alliés de Lansana Conté.
B. Un plan d'actions pour rompre avec le système conté
La Guinée n'est pas condamnée à basculer dans la violence ni à poursuivre son délitement du fait d'une poignée de civils et de militaires qui en ont confisqué les ressources. La société civile guinéenne, à travers les syndicats, a montré la voie à suivre et des dizaines d'innocents ont déjà perdu la vie parce qu'ils réclamaient le changement. Les réactions internationales ont été particulièrement timides.[48] Si les institutions africaines et internationales veulent être prises au sérieux lorsqu'elles clament la nécessité de prévenir les conflits plutôt que de devoir gérer ensuite des crises humanitaires, elles doivent tout mettre en œuvre pour susciter un vrai changement politique en Guinée et éviter la descente du pays aux enfers.
1. Le contexte politique avant le mouvement de janvier
La crise de janvier a éclaté quelques semaines après la conclusion d'un dialogue politique entre les partis de la majorité présidentielle, les partis de l'opposition et le gouvernement. Ce dialogue avait abouti, malgré moult difficultés, à la rédaction consensuelle de quatre avant-projets de loi sur le statut de l'opposition, sur la création d'une commission électorale nationale indépendante, sur les modalités des subventions publiques des activités des partis politiques et sur l'amendement du code électoral.[49] Ces textes sont censés donner une chance à l'organisation d'élections législatives plus crédibles que les scrutins truqués qui ont jusque-là permis au régime Conté d'afficher une façade démocratique.
Ces élections législatives sont à l'heure actuelle toujours prévues pour juin 2007. L'aboutissement du dialogue politique de même que l'apparition des premières radios privées en Guinée en 2006 avaient poussé l'Union européenne à annoncer fin décembre 2006 la reprise de sa coopération avec le pays et le futur décaissement de 117 millions d'euros au titre du neuvième Fonds européen du développement (FED).[50] Au cours d'une visite à Conakry en octobre, le commissaire européen au Développement Louis Michel avait parlé de “progrès remarquables”, un satisfecit pour le moins excessif et prématuré.
Crisis Group avait souligné dans un précédent rapport la nécessité pour les acteurs politiques guinéens et pour leurs partenaires extérieurs de tout mettre en œuvre pour organiser des élections législatives transparentes. Outre la création d'une commission électorale véritablement indépendante et dotée des moyens suffisants pour contrer les stratégies de fraude de l'administration, le rapport attirait l'attention sur l'impératif de procéder à une révision exhaustive des listes électorales et de distribuer des cartes d'électeurs sécurisées avec photographie.[51] L'Union européenne et les Nations unies (le PNUD) se sont déjà engagées dans cette voie et ont commencé à fournir un soutien technique et financier à l'ensemble du processus électoral.
La crise actuelle ne doit pas nécessairement mettre fin à cette dynamique. Un scrutin législatif transparent donnerait naissance à une assemblée nationale représentative qui pourrait légitimement enclencher une révision constitutionnelle et déboucher sur une nouvelle “république” réellement démocratique. Le mouvement actuel de contestation du régime Conté ne change rien à la nécessité de mettre en place un cadre technique et institutionnel qui permettra, le moment venu, d'aller à des élections crédibles, qu'il s'agisse de législatives, de présidentielles anticipées ou d'un référendum constitutionnel.
Comme il a été mentionné précédemment, l'année 2006 avait vu s'engager un vrai débat entre Guinéens sur l'avenir de leur pays, au-delà de la simple critique du pouvoir en place. La concertation nationale organisée en mars 2006 avait même avancé des propositions précises dans les domaines politique, économique et socioculturel. Elle préconisait l'ouverture d'une période de transition de dix-huit mois sous la direction d'un Premier ministre neutre et consensuel et la mise en place d'institutions de transition qui permettraient de réformer la constitution et d'organiser des élections locales, législatives et parlementaires.[52] D'autres groupes politiques ou de la société civile, y compris de l'importante diaspora guinéenne, ont proposé leurs propres schémas de transition.[53]
Cette débauche de propositions ne faisait que traduire la soif de changement qui habitait la société guinéenne bien avant la grève générale illimitée du 10 janvier. Celle-ci n'a servi que de détonateur. La sortie de la crise ne sera durable que si elle sonne le glas du système Conté. Pour y arriver, il n'est pas nécessaire de tirer un trait sur les dynamiques déjà engagées, celle qui vise à organiser des élections d'une qualité inédite en Guinée et celle qui permet à toutes les forces vives du pays de déterminer ensemble les voies menant au changement radical souhaité.
2. Un plan d’action pour les acteurs guinéens
Lansana Conté a considérablement réduit les chances d’une sortie de crise négociée qui lui permettrait de sortir quelque peu dignement de la scène politique nationale. Retranché en son palais ou dans son camp militaire, il continue à compter sur la seule force des armes comme réponse à la révolte populaire. La condition sine qua non pour un changement politique contrôlé qui le maintienne dans un rôle honorifique de président et lui garantisse sa sécurité pendant que s’amorce une transition politique est le limogeage immédiat d’Eugène Camara et la nomination d’un nouveau Premier ministre choisi sur une liste de noms qui serait approuvée par les centrales syndicales.
L’alternative, c’est la poursuite de la fuite en avant du président et de ses fidèles qui ne pourra s’achever que par le chaos généralisé. Le camp du président et celui de la contestation peuvent maintenir le statu quo pendant une semaine ou deux, Conté étant protégé par son armée et la population crispée sur l’exigence de sa démission. Le bras de fer ne pourra cependant pas durer bien longtemps. Soit les militaires finiront par déposer le président avant une énième confrontation sanglante avec les manifestants, soit ils se verront contraints de le faire après que des milliers de citoyens auront envahi les camps militaires de Conakry.
Les acteurs de la société civile guinéenne de même que les partis politiques doivent s'inscrire dans un schéma de sortie de crise négociée pour éviter la poursuite des violences et une anarchie qui ne débouchera pas nécessairement sur le changement de gouvernance souhaité. Les dirigeants syndicaux doivent appeler à la fin des pillages, des attaques ciblées et des destructions indiscriminées qui accompagnent les manifestations depuis le 9 février. Ils doivent également demander aux autorités religieuses qui avaient facilité les discussions de janvier (le Conseil chrétien de Guinée et le Grand Imam de la mosquée Fayçal de Conakry) de renouer le contact avec le président Conté et la haute hiérarchie militaire qui l'entoure. Ces médiateurs devront obtenir du président et de son entourage les mesures suivantes :

  • la fin immédiate de l’état de siège, l'arrêt immédiat de toutes les violences commises par les forces de sécurité à l’encontre des manifestants et le retrait des éléments de la garde présidentielle des artères de la ville de Conakry ;
  • la nomination d’un nouveau Premier ministre en remplacement d'Eugène Camara qui sera choisi sur une liste de noms à faire approuver par les centrales syndicales ;
  • des garanties constitutionnelles pour les pouvoirs du Premier ministre ;
  • l'acceptation de la tenue, dans les plus brefs délais, d'un dialogue national pour décider de l'avenir de la nation ;
  • l'annonce de ces engagements par un message solennel du président à la nation

Un amendement constitutionnel en urgence pour garantir les pouvoirs du Premier ministre

Les attributions du Premier ministre chef du gouvernement doivent être inscrites en urgence dans la Constitution. Cela implique un amendement de l'article 39 de la Loi fondamentale qui préciserait l'étendue de la délégation des pouvoirs du président au Premier ministre. L'article reprendrait dans le détail les attributions du Premier ministre conformément à l'accord signé avec les centrales syndicales le 27 janvier. L'article 34 de la Constitution sur “la vacance de la fonction de Président de la République consécutive au décès ou à la démission du Président de la République ou de toute autre cause d'empêchement définitif” devra également être modifié. La vacance serait toujours constatée par la Cour suprême saisie par le Président de l'assemblée nationale mais la suppléance à la présidence de la République serait assurée par le Premier ministre plutôt que par le président du parlement. Le Premier ministre ne pourrait dans ce cas se présenter à aucune élection organisée pendant sa suppléance et en particulier à la prochaine élection présidentielle.

L'intérêt d'une telle réforme serait de mettre fin au débat sur la légitimité qu'aurait l'actuel président de l'assemblée nationale, Aboubacar Somparé, s'il devait assumer la fonction présidentielle en cas de vacance du pouvoir avant l'organisation des prochaines législatives. L'association de Somparé aux dérives du système Conté qu’il a servi après avoir été un apparatchik du parti unique de Sékou Touré ne fait pas de lui une personnalité particulièrement appréciée, aussi bien dans son propre camp que dans celui des opposants au régime. Les responsables des partis d’opposition ne manquent pas une occasion de rappeler que Somparé est le président d’une assemblée nationale issue d’élections législatives frauduleuses et qu'il n’a donc aucune légitimité.

En faisant d’un Premier ministre réputé neutre le dauphin constitutionnel mais inéligible du président Conté, on résoudrait ce problème et on réduirait quelque peu le risque qu'une vacance du pouvoir provoque un coup d'État militaire. Pour engager ces amendements constitutionnels, il suffirait d'un décret présidentiel qui convoquerait l'assemblée nationale en session extraordinaire.[54] Ces amendements constitutionnels doivent être considérés comme des ajustements de crise permettant de donner une base légale à une transition politique qui ne dit pas son nom. Une fois qu'un nouveau Parlement sera en place, il devra mettre en route une authentique révision constitutionnelle validée par référendum.

La convocation d'un dialogue national pour définir les priorités

Ce dialogue réunirait le gouvernement, les centrales syndicales, les autres organisations de la société civile, les partis politiques et les forces armées. Il serait modéré par des autorités religieuses qui ont déjà manifesté leur disposition à jouer un tel rôle.[55] Il pourra se prononcer sur trois points essentiels pour l'avenir du pays :

* Les mesures économiques à prendre en urgence pour garantir une trêve sociale sans aggraver la situation déjà critique des finances publiques. Cette réflexion permettra d'évaluer les besoins d'aide extérieure qui seraient ensuite soumis aux bailleurs de fonds lors d'une table ronde.

* Le report des élections législatives de quelques mois pour permettre une meilleure organisation avec une forte implication de l'Union européenne et des Nations unies. Il faudra en particulier veiller à la mise en place d'une commission électorale véritablement indépendante, à une révision transparente des listes électorales, à la confection et la distribution gratuite de cartes d'électeurs sécurisées et à la neutralité de l'administration. L'assemblée nationale issue de ces élections pourra initier immédiatement une procédure de révision constitutionnelle et ouvrir la voie à des élections présidentielles anticipées.[56]

* La création d'un groupe de travail sur la réforme du secteur de la sécurité (armée, police, gendarmerie). L'implication des forces de défense et de sécurité est essentielle dans toute initiative visant à changer la gouvernance en Guinée. Ces forces doivent comprendre qu'elles ont un rôle à jouer dans une démocratie authentique et qu'elles n'ont pas besoin d'exercer directement ou indirectement le pouvoir exécutif pour garantir leurs privilèges. Elles doivent également intégrer au plus vite les principes de base de respect des droits humains et de responsabilité individuelle pour les exactions commises.

Le groupe de travail aura la charge d'enclencher la reconstruction du secteur de la sécurité sur ces nouvelles bases. Il pourra partir des travaux déjà engagés par le comité dit civilo-militaire mis en place au cours de l'année 2006 pour faciliter les échanges entre les civils et les corps habillés.[57] Ce groupe de travail devra bénéficier de l'assistance technique de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et des partenaires bilatéraux qui entretiennent depuis de nombreuses années une coopération militaire avec la Guinée, notamment la France et les États-Unis.

L'exigence de la participation d'experts internationaux aux travaux de la commission d'enquête sur les exactions

Selon les termes de l'accord du 27 janvier, les parties se sont accordées sur “la mise en place d'une commission d'enquête pour retrouver et sanctionner les auteurs d'exactions pour que de tels actes ne se répètent plus jamais”. Rien ne laisse penser qu'une telle déclaration d'intention sera suivie d'effet sans une énorme pression. La répression policière lors de la grève générale du mois de juin 2006 avait conduit à la mort par balles d'au moins onze jeunes manifestants. Malgré les promesses faites par le gouvernement, aucun membre des forces de l'ordre n'a été identifié et poursuivi pour ces crimes. La mauvaise foi des autorités guinéennes après les nouvelles tueries de janvier est déjà patente. Lorsque des diplomates accrédités à Conakry ont demandé l'implication de partenaires étrangers dans les travaux de la commission d'enquête prévue par l'accord, les ministres des Affaires étrangères et de la Justice ont opposé un refus ferme, estimant que l'enquête “est dans l'intérêt des Guinéens qui sont les victimes et non pour l'opinion internationale”.[58]

Les acteurs guinéens doivent éviter de tomber dans le piège du nationalisme circonstanciel dont abusent les défenseurs du régime. Ils doivent exiger la participation d'experts internationaux mandatés par la CEDEAO et le Haut Commissariat des Nations unies pour les droits de l'Homme aux travaux de la commission d'enquête et demander la suspension immédiate des responsables présumés des crimes commis, notamment au sein de la police nationale et de la garde présidentielle. Les travaux de cette commission doivent également couvrir les tueries de février.

V. Le devoir d'ingérence de la communauté internationale

Il a fallu que les morts s'accumulent à Conakry après deux semaines de grève en janvier pour que la communauté internationale réagisse, par des déclarations, à la crise en Guinée. Le 22 janvier, le Secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon s'est dit “gravement préoccupé par l'usage excessif de la force et a exhorté le gouvernement guinéen à faire la lumière sur les récentes tueries et à traduire devant la justice leurs auteurs, y compris les membres des forces de sécurité”.[59] Le 24 janvier, le même message de condamnation des violences et de réclamation d'une enquête indépendante émanait du Haut Commissaire des Nations unies pour les droits de l'Homme, Louise Arbour.[60] Le 23 janvier, le Représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU en Afrique de l'Ouest, Ahmedou Ould-Abdallah, s'est rendu à Conakry pour s'enquérir de la situation et a rencontré des membres du gouvernement.

Quelques jours plus tôt, le 19 janvier, les chefs d'État de la CEDEAO réunis en sommet à Ouagadougou avaient désigné le président nigérian, Olusegun Obasanjo et son homologue sénégalais, Abdoulaye Wade, pour effectuer une visite de médiation en urgence à Conakry. Aucune délégation de la CEDEAO n'a encore foulé le sol guinéen. Le gouvernement guinéen s'y est opposé et le silence est devenu assourdissant du côté de la CEDEAO. [61] Au cours du sommet de l'Union africaine (UA), le 29 janvier, le président de la commission de l'UA, Alpha Oumar Konaré, a vigoureusement dénoncé les violences en Guinée et appelé les chefs d'État à la vigilance. Le même sommet consacrait la mise en place d'un “comité de sages” chargé de la prévention des conflits. Mais aucune action politique directe n’a cependant été prise pour résoudre la crise guinéenne.

Après la dégradation de la situation consécutive à la désignation d'un Premier ministre inacceptable pour les parties le 9 février, la communauté internationale doit unanimement condamner publiquement les nouvelles tueries commises par les forces de sécurité et interpeller nommément le président Conté, le chef d'état-major des armées, le général Kerfalla Camara, son adjoint, le général Arafan Camara, le chef d'état-major de la gendarmerie, le général Jacques Touré, le directeur général de la police nationale, Mohamed Sékouba Bangoura, et le fils du président, le capitaine Ousmane Conté, sur leur responsabilité individuelle dans les crimes commis par les forces placées sous leur autorité. La CEDEAO, l'UA et les Nations unies doivent aussi réaffirmer publiquement leur refus de tout coup de force qui se traduirait par une monopolisation d'une éventuelle transition politique par l'armée guinéenne. Compte tenu de la menace immédiate sur la paix et la stabilité de la Guinée mais aussi sur celle de ses fragiles voisins, le président du Conseil de sécurité doit inscrire en urgence la discussion de la situation en Guinée à l'ordre du jour du Conseil. La communauté internationale doit enfin décider des mesures suivantes si elle veut réellement éviter une implosion de la Guinée :

  • L'implication personnelle du président du Ghana dans une médiation. Le président ghanéen John Kufuor a l'avantage d'être à la fois le nouveau président en exercice de l'organisation panafricaine, de faire partie de la CEDEAO et de ne pas avoir d'échéances électorales à court terme dans son pays. Les présidents nigérian et sénégalais initialement désignés par la CEDEAO pour mener la médiation en Guinée auront peu de temps à consacrer aux dossiers extérieurs alors qu'approchent des échéances importantes sur le plan interne. Le président ghanéen pourra s'entourer du secrétaire exécutif de la CEDEAO, Mohamed Ibn Chambas, et du Représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU pour l'Afrique de l'Ouest, Ahmedou Ould-Abdallah, qui s'était rendu en Guinée au plus fort de la crise de janvier.

Il s'agira de convaincre Lansana Conté de respecter l'esprit et la lettre de l'accord du 27 janvier et de prendre les nouveaux engagements décrits plus haut pour ne pas terminer son long règne par un bain de sang. L'un des rares mérites du président guinéen est d'avoir réussi à préserver son pays des guerres civiles qui ont déchiré ses voisins du Liberia et du Sierra Leone. Il faudra convaincre le président Conté de saisir la dernière opportunité qui lui est offerte de s'effacer sans s'exposer lui-même et sans exposer davantage les siens à une vindicte populaire ou à une trahison de son propre entourage.

L’équipe de médiation devra également rencontrer la haute hiérarchie militaire et policière guinéenne et leur faire passer un message clair : le refus de toute nouvelle violence en l’encontre des civils, le refus de toute prise de pouvoir qui se traduirait par la monopolisation d'une transition par les militaires et la nécessité d’accepter la mise en route d’un programme de réforme du secteur de la sécurité associant des civils guinéens et des partenaires extérieurs.

  • La création d'un groupe international de contact. Le président de la commission de l’UA, qui a fort justement insisté sur la nécessité d’aider à un vrai changement en Guinée lors de son intervention devant les chefs d’État de l’organisation, doit proposer la mise en place immédiate d’un groupe international de contact sur la Guinée composé de représentants de l’UA, de la CEDEAO et du Secrétariat général des Nations unies. Ce groupe sera chargé du suivi de la situation politique et sociale en Guinée, de l’application par les parties de l’accord du 27 janvier et des engagements politiques ultérieurs, de l'alerte du Conseil de paix et de sécurité de l’UA et de celle du Conseil de sécurité des Nations unies et de la coordination de l’appui international à un éventuel groupe de travail guinéen sur la réforme du secteur de la sécurité.
  • La participation d'experts internationaux aux travaux de la commission d'enquête. Mandatés par la CEDEAO et le Haut Commissariat des Nations unies pour les droits de l'Homme, ces experts seront membres à part entière de la commission d'enquête qui devra établir les faits et identifier les responsables directs et indirects des tueries commises entre le 10 janvier et le 27 janvier 2007 et depuis le 9 février. Le rapport de cette commission devra servir de base à des poursuites judiciaires. L'enquête indépendante devra également vérifier les informations récurrentes sur la présence à Conakry de forces étrangères, mercenaires ou non, aux côtés de la garde présidentielle au cours des manifestations de janvier. Le Représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU pour la Guinée Bissau pourra utilement coopérer avec la commission. Plusieurs témoignages ont en effet fait état de l'envoi de forces bissau-guinéennes pour épauler les “bérets rouges” de Guinée Conakry.[62]

Les liens personnels entre le président de Guinée Bissau, Joao Bernardo Nino Vieira, et Lansana Conté, qui l'a aidé militairement à de nombreuses reprises, pourraient expliquer une telle assistance qui serait très dangereuse pour la stabilité régionale. Contrairement aux proclamations des ministres du gouvernement sortant de Conté, les dirigeants syndicaux ne font pas confiance à une enquête qui serait exclusivement menée par des acteurs locaux liés au pouvoir ou influencés par celui-ci.[63]

  • L’implication des pays qui entretiennent une coopération militaire avec la Guinée. Le secteur de la défense et de la sécurité en général est l’un des rares secteurs publics à avoir bénéficié d’efforts soutenus de restructuration au cours des dernières années, malgré la déliquescence de l’État.[64] L’armée guinéenne, y compris les corps d’élite de la garde présidentielle et des Rangers affectés à la surveillance des frontières, a bénéficié d’équipements et de sessions de formation dans le cadre de la coopération militaire, notamment avec les États-Unis et la France.[65]

Ces pays doivent utiliser leurs connections avec les officiers guinéens pour leur faire passer un message ferme sur le refus de tout coup de force au prétexte d’instaurer une transition militaire, sur la responsabilité individuelle des militaires auteurs d’exactions sur les civils et sur la nécessité d’adhérer à un programme de réforme du secteur de la sécurité avec l’implication des autorités civiles. Si le principe de la création d’un groupe de travail sur cette question est acquis, les États-unis et la France devront le faire bénéficier de leur expertise en la matière.

  • L'organisation d'une table ronde des donateurs. En cas de nomination d'un nouveau Premier ministre neutre et de formation d'un gouvernement de large consensus, l'Union européenne, déjà fortement engagée en Guinée, devra prendre l’initiative d’organiser cette table ronde et d’inviter tous les autres bailleurs potentiels bilatéraux et multilatéraux, notamment la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, les États-Unis, le Japon, la Banque africaine de développement, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et le Programme des Nations unies pour le développement, pour définir les modalités d'une assistance financière et technique d'urgence dans les domaines de la gouvernance économique et de la réforme des institutions.

La réforme de la Banque centrale et celle de la gestion des finances publiques doivent recevoir une attention immédiate. Il ne faut pas oublier que l’exigence populaire d’un changement politique radical est d’abord la conséquence de l’incapacité du régime Conté à répondre aux besoins économiques élémentaires des citoyens guinéens. La misère dans laquelle le système Conté a plongé les populations malgré les dotations naturelles exceptionnelles du pays est le premier crime de ce régime.

Le changement politique ne suffira pas. Le nouveau gouvernement devra rapidement être en mesure de redonner confiance à la population, de donner des signes concrets de réforme de la gouvernance, de fourniture des services publics de base et d’allègement de l’extrême pauvreté. Il devra aussi organiser un processus électoral coûteux mais capital pour l’avenir du pays. Sans une aide extérieure conséquente en urgence, le gouvernement de large consensus, aussi volontaire soit-il, n’aura aucune chance d’y arriver. L’impatience des populations de Conakry à N’Zérékoré pourrait rapidement faire replonger le pays dans le désordre.

VI. conclusion

La dynamique de contestation du régime Conté, apparue lors de la grève générale de février 2006, a franchi un cap sanglant à l’occasion de la grève et des manifestations de janvier 2007. Ces dernières ont été d’une ampleur exceptionnelle. Elles ont concerné toutes les régions du pays et mobilisé plusieurs milliers de Guinéens appartenant à tous les groupes ethniques du pays. Le président Conté s’est étonné, furieux, que même la commune de Kaloum, bastion de son groupe ethnique Sosso dans la capitale, se soit associée à la défiance à l’égard de son régime. Il n’a pas fallu plus de treize jours pour que le président ne montre que l’accord du 27 janvier n’était qu’une concession tactique. Dès que le décret présidentiel du 9 février eut annoncé le choix d’un Premier ministre inacceptable par la société civile, ils ont exprimé leur colère.

Avec ou sans Lansana Conté, la transition politique doit commencer dès maintenant. Ce qui a changé en janvier, c’est la prise de conscience par les populations de leur capacité à influencer le cours de leur histoire. Le président a une dernière chance de céder pacifiquement la réalité du pouvoir, de jouir encore pour un temps limité des privilèges liés à sa fonction et surtout de sa sécurité et de celle des siens. La patience des Guinéens est aujourd’hui à bout et la spirale de règlements de compte s’est enclenchée. Le chaos n’est pas le meilleur moyen d’aboutir à un changement politique positif pour le pays. Il faut tout faire pour revenir à un schéma de sortie de crise négociée et apaisée. Ce rapport propose aux acteurs guinéens et aux membres de la communauté régionale et internationale un plan d'actions à mettre en œuvre de toute urgence.

Dakar/Bruxelles, le 14 février 2007

[1] Voir plus bas la note 3 sur les purges de 1985.

[2] Pour une description de la situation politique, économique et sociale de la Guinée à l’approche de l’élection présidentielle de décembre 2003, voir le Rapport Afrique N°74 de Crisis Group, Incertitudes autour d’une fin de règne, 19 décembre 2003.

[3] Les purges (exécutions, arrestations, neutralisations) les plus importantes ont eu lieu au sein de l’armée après les tentatives de coup d’État de 1985 et de 1996. Après la tentative de coup d’État de 1985 attribuée au colonel Diarra Traoré, Lansana Conté avait fait exécuter une quarantaine d’officiers et de sous-officiers et, dans la foulée, une trentaine de dignitaires du régime Sékou Touré, en dehors de toute procédure judiciaire. Lansana Conté s'est progressivement débarrassé de ses concurrents potentiels au sein du Comité militaire de redressement national, la junte qui a pris le pouvoir le 3 avril 1984.

[4] Entretiens de Crisis Group avec des diplomates et des sources proches de l’entourage présidentiel, Conakry, 22 novembre-1er décembre 2006.

[5] Ce fut notamment le cas des généraux Bailo Diallo et Abdourhamane Diallo, les plus haut gradés parmi les officiers Fulbé (Peuls) de l’armée, qui ont été mis à la retraite à la fin de l’année 2005 alors que des officiers de la même génération, dont l'actuel chef d'état-major Kerfalla Camara, ont été maintenus en place.

[6] Pour la description d’une armée à la fois privilégiée, divisée et sous surveillance, voir le rapport de Crisis Group, Incertitudes autour d’une fin de règne,op. cit.

[7] “Le vieux président et les voleurs”, Le Monde, 30 novembre 2006.

[8] La Guinée occupe le 160ème rang sur 163 pays selon l’indice de perception de la corruption 2006 publié par l’organisation Transparency International.

[9] Voir le rapport de Crisis Group, Incertitudes autour d’une fin de règne,op. cit.

[10] Mission de Crisis Group à Conakry, 11 au 17 janvier 2007. La RTG sous-estimait l’ampleur de la grève générale et passait des messages à l’apaisement et à l’unité nationale derrière le président.

[11] Voir plus loin la section IV.B du présent rapport.

[12] Voir notamment le rapport de Crisis Group, Incertitudes autour d’une fin de règne, op. cit, ; le Rapport Afrique de Crisis Group N°94, Guinée : conjurer la descente aux enfers, 14 juin 2005 ; le Briefing Afrique de Crisis Group N°37, La Guinée en transition, 11 avril 2006.

[13] Le discours nationaliste et unitaire de Sékou Touré n’a pas eu raison de la permanence des références ethniques. Bien qu’aucun groupe ethnique n’ait été épargné par les crimes du régime Touré (un Maninka), les Fulbé et les peuples dits forestiers (différents groupes vivant dans la Région Forestière, au sud du pays) considèrent avoir plus souffert que les autres. Lansana Conté n’a, lui, pas hésité à jouer la carte ethnique en promouvant les membres de son groupe Sosso (ou Soussou) dans la hiérarchie militaire et en entretenant, parfois ouvertement, les tensions. Au lendemain de la tentative de coup d’État du colonel Diarra Traoré en juillet 1985, des Sosso se sont livrés à une chasse aux Maninka à Conakry, pillant leurs magasins. Dans un discours dans sa langue soussou, le président Conté a salué ces attaques ethniquement ciblées par une expression devenue célèbre en Guinée, “Wofatara”, qui veut dire “Vous avez bien fait”. Voir Thierno Bah, Mon combat pour la Guinée (Paris, 1996). Les principaux groupes ethniques sont les Fulbé (40 pour cent environ), les Maninka (environ 30 pour cent), les Sosso (presque 20 pour cent) et les différents peuples forestiers.

[14] Les partis d'opposition reposent dans une large mesure sur la personnalité de leurs dirigeants et sur l'origine ethnique de ces derniers. Le parti de l'opposant “historique” Alpha Condé recrute largement au sein des Maninka, Mamadou Bah et Ousmane Bah au sein du groupe Fulbé, Jean-Marie Doré chez les Forestiers. Le parti de l'ancien Premier ministre Sidya Touré, membre d'un groupe ethnique très minoritaire, repose davantage sur le bilan de son chef lorsqu'il fut Premier ministre sous Conté. Voir le rapport de Crisis Group, La Guinée en transition, op.cit.

[15] Voir notamment le rapport de Crisis Group, Guinée : conjurer la descente aux enfers, op. cit., et le briefing de Crisis Group, La Guinée en transition, op. cit.

[16] Pour un commentaire des réformes économiques et financières engagées par le Premier ministre Cellou Dalein Diallo et ses tentatives de mettre un terme aux exemptions fiscales et autres largesses dont bénéficiaient indûment les entreprises de l’homme d’affaires Mamadou Sylla, voir le rapport de Crisis Group, Guinée : conjurer la descente aux enfers, op. cit. Le prédécesseur de Diallo au poste de Premier ministre, François Lonsény Fall, avait, lui, démissionné en avril 2004, soit deux mois après sa prise de fonction, ayant réalisé qu’il était impossible de remettre un peu d’ordre dans les finances du pays sans toucher aux intérêts des piliers du régime de Lansana Conté.

[17] Entretiens de Crisis Group avec des journalistes, diplomates, hommes politiques et personnalités de la société civile, Conakry, 12-17 juin 2006 et 22 novembre-1 décembre 2006.

[18] Pour une description des « clans présidentiels », de leur mode de fonctionnement et du jeu des promotions et des disgrâces, voir les rapports de Crisis Group, Incertitudes autour d’une fin de règne, op.cit, et Guinée : conjurer la descente aux enfers, op.cit. Parmi les personnalités les plus médiatiques et les plus controversées des réseaux d’affaires intimement liés au président figurent, outre le patron des patrons Mamadou Sylla, l’Italien Guido Santullo, la franco-guinéenne Chantal Colle. Mais le système Conté profite à bien d’autres réseaux guinéens et étrangers opérant dans des secteurs particulièrement lucratifs comme l’importation de riz, de cigarettes, d’alcool, les travaux publics, la téléphonie mobile. La circulation de quantités énormes d’argent liquide, aussi bien en francs guinéens qu’en dollars américains, hors des circuits bancaires et surtout de celui de la Banque centrale de la République de Guinée (BCRG) dénuée de toute crédibilité, expose l’économie guinéenne à un risque de criminalisation irréversible. Entretiens de Crisis Group, opérateurs économiques et animateurs de la société civile, Conakry, 22 novembre-1er décembre 2006.

[19] D’abord allié au riche et controversé président du patronat guinéen Mamadou Sylla pour se débarrasser de l’ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo, Bangoura s’est ensuite désolidarisé de Sylla et a montré un empressement suspect à le voir poursuivi par la justice guinéenne, humilié par les “bérets rouges” de la garde présidentielle, et finalement incarcéré. Voir “Affaire Mamadou Sylla : le film de son arrestation”, www.guineeconakry.info, 7 décembre 2006.

[20] “Décret présidentiel : Fodé Bangoura est remplacé par Eugène Camara”, www.guineenews.org, 19 janvier 2007.

[21] Voir plus loin la section IV.A.3 du présent rapport.

[22] “El Hadj Mamadou Sylla et Fodé Soumah élargis : l’épilogue d’une libération”, www.aminata.com, 17 décembre 2006. Après la rocambolesque libération des présumés fossoyeurs de l’économie par le président Conté, le procureur de la République près le Tribunal de première instance de Kaloum a maladroitement essayé d’expliquer qu’il s’agissait d’une “mise en liberté provisoire qui ne doit faire l’objet d’aucune interprétation tendancieuse”. Le procureur a insisté sur le fait “qu’aucune pression n’est exercée sur la justice dans ce dossier, aucune intervention extérieure n’a guidé cette décision”. Le chef de l’État serait donc simplement allé accueillir des amis sortis de prison. On comprend que les Guinéens aient eu la fâcheuse impression que les autorités les prenaient pour des idiots. Voir “Libération de Mamadou Sylla et Fodé Soumah : le procureur de la République près le TPIK s’explique”, www.guineenews.org, 18 décembre 2006.

[23] Fodé Soumah avait fait campagne à bord de l’hélicoptère présidentiel et popularisé la doctrine sommaire mais efficace du “koudaisme”, littéralement “À jamais !” pour magnifier le règne éternel de Conté. Entretien de Crisis Group, universitaire, Conakry, 25 novembre 2006.

[24] Entretiens de Crisis Group avec des diplomates et des représentants d’institutions internationales, Conakry, 22 novembre-1er décembre 2006.

[25] Entretiens de Crisis Group, avec des journalistes et des personnalités de la société civile, Conakry, 11 au 17 janvier 2007.

[26] Des sources proches de l’entourage du président affirment en tout cas que ce dernier, affecté par des trous de mémoire, a tendance à écouter la dernière personne qui lui donne son avis. L’accès direct et privé au général serait, dans ces conditions, capital pour emporter la décision. Entretiens de Crisis Group, Conakry, 29 novembre -1er décembre 2006.

[27] Pour plus de détails sur le rôle de la Guinée dans les conflits de la région du Fleuve Mano (Liberia, Sierra Leone et Guinée), et ses implications pour la stabilité du pays, voir notamment les rapports de Crisis Group, Incertitudes autour d’une fin de règne, op. cit, et Guinée : conjurer la descente aux enfers, op. cit.

[28] Texte de l’Avis de grève générale de l’Inter centrale CNTG-USTG, déposé le 2 janvier 2007 et signé par la Secrétaire générale de la CNTG, Hadja Rabiatou Serah Diallo et le Secrétaire général de l’USTG, Dr Ibrahima Fofana.

[29] Selon les statistiques officielles, l’augmentation moyenne des prix à la consommation (inflation) est passée de 3 pour cent en 2002 à 12,9 pour cent en 2003 puis à 31,1 pour cent en 2005. Elle est estimée à environ 25 pour cent en 2006. Voir « Country Report Guinea », The Economist Intelligence Unit, December 2006. Pour les Guinéens, l’étalon de mesure de leur appauvrissement est le sac de riz de 50 kg. Il est passé de 24 000 Francs guinéens (FG) au milieu de l’année 2003 à 35 000 FG en mars 2004, 75 000 FG en juin 2005, 110 000 FG au moment de la grève de juin 2006. Il coûtait en janvier 2007 entre 130 et 150 000 FG. Sachant que les hauts cadres les mieux payés de l’administration ne gagnent pas officiellement plus de 400 000 FG, cela signifie tout simplement que la majorité des Guinéens ne peuvent pas à la fois nourrir leur famille, payer les frais de transport et la scolarisation de leurs enfants grâce à leurs revenus officiels. La majorité “se débrouille” pour faire face, quitte à diminuer le nombre de repas par jour. La minorité bien placée dépense par contre des sommes qui dépassent de plusieurs dizaines de fois leurs revenus officiels. Une autre variable économique significative est le taux de change entre le franc guinéen et le dollar américain. Il est passé d’un dollar pour 2600 FG en juin 2004 à 1 pour 4950 en avril 2006 et était de 1 pour 6600 FG début janvier 2007.

[30] Voir “Manifestation pour le désenclavement du sud”, Agence France-Presse, 27 octobre 2006.

[31] Mission de Crisis Group à Conakry, du 11 au 18 janvier 2007.

[32] « Propositions des centrales syndicales CNTG, USTG, ONSLG et UDTG à Son Excellence Monsieur Le Président de la République de Guinée », document daté du 14 janvier 2007, dont Crisis Group a reçu une copie.

[33] « Info-31 », Bulletin d'information de l'Inter Centrale CNTG-USTG élargie à l'ONSLG et à l'UDTG, daté du 18 janvier 2007.

[34] Voir le récit de l'expédition punitive à la Bourse du travail et de la détention des dirigeants syndicaux par le secrétaire général de l'USTG, Ibrahima Fofana, dans l’entretien accordé à Maseco Condé, disponible sur www.lediplomateguinee.info : “Dr Ibrahima Fofana, Secrétaire général de l'USTG, 'Hier lundi, nous avons été ligotés et emprisonnés avant d'être libérés par le président Conté en personne mais la grève continue jusqu'à la victoire finale'“, 23 janvier 2007. Le fils du président, Ousmane Conté, a nié avoir participé à l'expédition mais des sources concordantes à Conakry affirment qu'il était bien à la tête de l'opération.

[35] Entretiens de Crisis Group, Conakry, 11-18 janvier 2007.

[36] Entretiens de Crisis Group, Conakry, 22 novembre-1er décembre 2006, 11-18 janvier 2007. Au Mali, ce fut une révolte des étudiants réprimée dans le sang en 1991 qui poussa un groupe d'officiers à destituer l'autocrate Moussa Traoré. Les militaires conduits par Toumani Touré avaient tenu leurs promesses en remettant le pouvoir aux civils après des élections. Toumani Touré est ensuite revenu démocratiquement au pouvoir après dix ans d'effacement. En Mauritanie, une junte militaire a renversé l'autocrate Maaouiya Ould Taya en août 2005 et a promis d'organiser une série d'élections pour remettre le pouvoir aux civils au terme d'une période de transition qui est toujours en cours.

[37] Voir “The Perverse Side of Things, Torture, Inadequate Detention Conditions, and Excessive Use of Force by Guinean Security Forces”, Rapport de Human Rights Watch, vol. 18, no. 7 (A), août 2006.

[38] Les deux autres organisations syndicales sont l'Organisation nationale des syndicats libres de Guinée (ONLSG) dirigée par Yamodou Touré et l'Union démocratique des travailleurs de Guinée (UDTG) dirigée par Abdoulaye Baldé.

[39] Mission de Crisis Group, Conakry, 11-17 janvier 2007.

[40] Voir « Dr Ibrahima Fofana », op. cit.

[41] Voir le texte intégral de l’accord tripartite en annexe C du présent rapport.

[42] Il faut noter que les mesures économiques incluses dans l'accord ont peu de chances d'être intégralement et durablement appliquées. Il est par exemple illusoire d'espérer maintenir un prix fixe pour le sac de riz alors que le marché est détenu par un club d'importateurs privés et que la monnaie guinéenne glisse continûment sur le marché des changes. La hausse inconsidérée du prix des denrées alimentaires de base résulte de la gestion catastrophique de la Banque centrale, des pratiques monopolistiques et plus généralement des dysfonctionnements graves de l'économie guinéenne qui est dominée par des réseaux d'affaires liés au pouvoir politique. Le président Conté lui-même se vante de cultiver son riz sur des centaines d'hectares (héritées de ses grands-parents selon lui), d'être le plus grand propriétaire de bœufs du pays et de “vendre son huile de palme, très bon marché aux femmes du village”. Voir “Le vieux président et les voleurs”, Le Monde, op. cit. En réalité, le président exporte davantage son riz qu'il ne le vend sur le marché local. Entretiens de Crisis Group, Conakry, 22 novembre-1er décembre 2006.

[43] Les prélèvements de dollars et d'euros en liquide à la Banque centrale ou à la Douane par le président lui-même ou par ses émissaires se font en plein jour et sont connus de tous les habitants de Conakry. Les services du président font également appel aux multinationales du secteur de la bauxite lorsqu'il y a pénurie de devises à la Banque centrale. Entretien téléphonique de Crisis Group, janvier 2007.

[44] Voir “Règlement de la crise guinéenne, Gbagbo envoie Bertin Kadet en pompier”, Le Temps, 30 janvier 2007. Selon ce quotidien ivoirien, “La délégation conduite par M. Bertin Kadet comprenait, le général Jean-Pierre Lorougnon, directeur général de l'ANSI (Agence nationale de la stratégie et de l'intelligence) et conseiller spécial du président pour les questions de sécurité, ainsi que 1e commissaire Koudon Okou Laurent, directeur du département extérieur à l'ANSI. L'entretien avec le président guinéen… a duré une heure, en présence des plus hautes autorités guinéennes”.

[45] Des rumeurs font régulièrement état de la volonté de Lansana Conté de positionner son fils pour lui succéder. Même si la très mauvaise réputation d'Ousmane Conté, y compris parmi les militaires, rend ce scénario peu probable, il ne saurait être totalement écarté.

[46] Voir notamment le rapport de Crisis Group, Guinée: Conjurer la descente aux enfers, op. cit, pour une description du rôle de la Guinée dans les conflits de la région et des risques qui en découlent pour sa propre stabilité.

[47] Ibid.

[48] Voir la section V.

[49] Crisis Group a pu consulter une copie du rapport de la commission paritaire comportant les avant-projets de loi tels que rédigés par les participants au dialogue politique. S'ils sont strictement mis en œuvre, ces textes constitueront une avancée réelle vers l'organisation d'élections crédibles.

[50] « Déclaration de la Présidence du Conseil de l'Union européenne et de la Commission européenne concernant la République de Guinée », Bruxelles, 11 décembre 2006. Voir également : “Guinea : EU aid back on but transparency, social problems remain”, IRIN, 25 décembre 2006.

[51] Rapport de Crisis Group, La Guinée en transition, op. cit. [52] Ibid.

[53] Voir par exemple : Dominique Bangoura, Mohamed Tétémadi Bangoura, Moustapha Diop, Quelle transition politique pour la Guinée ? (Paris, 2006).

[54] Selon l'article 91 de la constitution, un projet de révision constitutionnelle présenté par le président de la république à l'assemblée nationale n'est pas obligatoirement soumis au référendum. Il doit être approuvé à la majorité des deux tiers des membres composant l'assemblée nationale.

[55] Entretien de Crisis Group avec une autorité religieuse, Conakry, 11 janvier 2007.

[56] Au minimum, une telle révision constitutionnelle devrait rétablir la limitation de l'exercice présidentiel à un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois, comme c'était le cas avant la révision de novembre 2001. Au mieux, une nouvelle constitution devrait limiter l'étendue des pouvoirs du président pour essayer de rompre avec les pratiques autoritaires des régimes de Sékou Touré et de Lansana Conté.

[57] L'idée de la création de ce comité civilo-militaire est née après qu'une série de séminaires organisés par la coopération américaine (Agence américaine pour le développement international, USAID) eurent permis l'établissement d'un dialogue entre un groupe de civils (partis politiques et organisations de la société civile) et de militaires. Le comité de suivi de ces séminaires est devenu un comité civilo-militaire à l'initiative des participants. Entretien de Crisis Group avec l’un des animateurs du comité civilo-militaire, Conakry, 1er décembre 2006.

[58]“Enquête sur la boucherie du 22 janvier : Grand fossé entre le Gouvernement guinéen et les diplomates”, www.guineenews.org, 29 janvier 2007.

[59] Déclaration attribuable au porte-parole du Secrétaire-Général des Nations unies, New York, 22 janvier 2007.

[60] “High Commissioner for Human Rights calls for probe into Guinea killings and welcomes resumption of dialogue”, Genève, 24 janvier 2007.

[61] Le général Ibrahim Babangida, dépêché par le président Olusegun Obasanjo, s’est vu refuser l’accès à Conakry. Voir « Guinea snubs delegation from African body », Reuters, 3 February 2007

[62] Cette information donnée par une source militaire bissau-guinéenne à un journaliste a ensuite été démentie officiellement par l'état-major de Bissau. Mais des témoignages de Conakry font également état de la présence d'éléments armés ne parlant pas français pendant la répression des manifestations le 22 janvier. Voir à ce sujet : “L'armée bissau-guinéenne vole au secours du Président Conté”, IRIN, 23 janvier 2007, et “L'armée bissau-guinéenne dément l'envoi de troupes à Conakry”, IRIN, 24 janvier 2007.

[63] Voir l’entretien de Rabiatou Serah Diallo, secrétaire générale de la CNTG, “C’est une victoire de tous les citoyens guinéens”, L'Humanité, 31 janvier 2007.

[64] Voir le rapport de Crisis Group, Incertitudes autour d'une fin de règne, op. cit.

[65] Les États-Unis ont notamment aidé à la formation des Rangers, unité d'élite affectée à la surveillance des frontières, pour renforcer les capacités de l'armée guinéenne à contrer les attaques venant du Liberia, alors dirigé par Charles Taylor. La Guinée a abrité dans la Région Forestière les combattants du LURD (Libériens Unis pour la réconciliation et la démocratie), mouvement rebelle libérien opposé à Charles Taylor jusqu'à la chute de ce dernier en 2003. La France a de son côté entraîné des éléments de la garde présidentielle en 2000/2001 et contribue à la formation d'officiers et de sous-officiers. Voir le rapport de Crisis Group, Incertitudes autour d'une fin de règne, op. cit.

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