"Tout homme doit mourir un jour, mais toutes les morts ne se valent pas"
Franklin Boukaka
En 1970 paraît le disque du chanteur congolais (Congo Brazza !) Franklin Boukaka. L’album intitulé « le Bûcheron » s’impose bientôt comme un disque de référence auprès d’un large public, tant grâce au talent de l’auteur qu’à son engagement, dans l’Afrique de l’après-indépendance.
Manu Dibango, qui n’a pas encore accédé à la notoriété internationale avec son fameux tube « Soul Makossa », est le directeur musical de l’album (arrangements et direction de l'orchestre), et tient le piano. Le style très pur de Boukaka fait merveille. L’album « Le Bûcheron » sera considéré comme un chef-d’œuvre.
Franklin Boukaka est né le 10 octobre 1940 à Brazzaville. Il obtient en 1956 son certificat d’Etudes Primaire, et commence la musique via des orchestres de jeunes à Bacongo, un quartier de Brazzaville. En 58 participe à la création d’un orchestre, « Négro Band », puis joue avec divers orchestres tant au Congo qu’au Zaïre. Au milieu des années 60, il enregistre quelques chansons dont certains seront reprises dans l'album "Le Bûcheron", mais c’est en 1970 que Boukaka va accéder à une notoriété internationale.
Ses chansons telles que « Le Bûcheron » qui contient la phrase devenue culte « Aye Africa, Eh eh Africa, Oh liberté (Lipamba) » ou les "les immortels" sont devenus des standards de la musique africaine. Une chanson comme « Pont sur le Congo » célèbre l’unité des deux Congo. Boukaka chante en lari (sa langue natale), en français, et en lingala.
En 1972, à la suite d’une crise politique au Congo, Marien Ngouabi, le président, est contesté. La tentative de putsch contre lui échoue le 22 février. Ses hommes de main dressent une liste de suspects sur laquelle figure Boukaka. Il est arrêté sur ordres de Joachim Opango, alors chef d’Etat-major général de Ngouabi. (Opango deviendra plus tard président du Congo).
Il est conduit sur un terrain vague le lendemain du coup d'Etat (le 23 avril) où il est exécuté en compagnie d’autres personnes considérées comme "défavorables au régime". Franklin Boukaka n’avait que 32 ans. L’une des plus belles voix qu’ait produit le continent africain venait de s’éteindre à jamais. Mais même mort, Boukaka continuait de déranger. Ses chansons furent donc interdites de diffusion à la radio et censurées au Congo, même si elles continuaient de circuler sous le manteau car malgré le censure, le message de Franklin Boukaka restait vivace.
Qu’avait donc fait de si terrible Franklin Boukaka pour être assassiné à la va-vite et sans aucune autre forme de procès ? Il semble que ses chansons dérangeaient au plus haut point le président Marien Ngouabi que Boukaka visait dans une de ses chansons, « Inua Ya Ngombè » : " Inua ya ngombè". « Tala munwa u dia ngombe, wa meno wayuku bikola e mama... disait notamment Boukaka dans sa chanson, ce qui signifie à peu près « regardez la bouche qui se nourrit de viande et de bonne chair pendant que la mienne se contente de petites légumes ». Il visait les dirigeants congolais, qui « s’empiffraient » pendant que le petit peuple était entrain de mourir de faim.
Le régime n'a pas supporté ces critiques. Franklin Boukaka meurt en laissant un fils, Malcolm, comme Malcolm "X", en hommage au leader noir américain, également trop tôt disparu. En 1999, Passi et Bisso na Bisso reprendront la chanson de Franklin Boukaka dans leur album "Racines", une façon de rendre hommage à ce grand musicien. Presque visionnaire ou prophétique, Franklin Boukaka disait dans sa chanson "Les immortels" que tout homme devait mourir un jour, mais que toutes les morts n'avaient pas la même valeur...
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